Réactions à la mort du cheikh Yassine
23 mars 2004« Angriff » titre la Frankfurter Allgemeine Zeitung, « Attaque ». Le gouvernement ordonne la liquidation du cheikh Yassine, l’armée s’exécute, et tue avec plusieurs de ses accompagnateurs. Un acte censé montrer que le gouvernement Sharon ne cèdera pas aux terroristes, pourtant la FAZ y voit l’expression d’un profond désespoir israélien. Seulement voilà, il s’agit là d’un meurtre, qui est donc, par définition, inacceptable, et illégal. Et le journal de se dire qu’un jour ou l’autre, Israël devra bien se demander si ce genre de liquidations anti-terroristes sont dignes d’un état de droit, de la démocratie que le pays prétend être. Pour conclure, la FAZ explique que les amis du gouvernement Sharon se font de plus en plus rares. Elle se demande donc si, puisqu’on peut être quasiment certain que la vengeance des extrémistes frappera la population israélienne dans sa chair, si la politique de l’isolement menée par le gouvernement Sharon est vraiment la plus judicieuse.
La plupart des quotidiens, du General-Anzeiger de Bonn, à Die Welt, en passant par le Kölner Stadtanzeiger, rappellent que le cheikh Yassine n'était pas quelqu'un de très sympathique, mais que cela ne légitime pas les moyens employés pour faire disparaître cet ennemi gênant.
La tageszeitung parle d’ « exécution sommaire ». Quelque soit la victime, il n’en reste pas moins qu’un assassinat reste un crime, même au Proche-Orient, et que Sharon ne sert pas son pays avec ce type de décisions.
La Süddeutsche Zeitung imagine quant à elle les centaines de milliers de Palestiniens qui se rendront, dans les décennies à venir, puiser sur la tombe d’un Ahmed Yassine sanctifié l’énergie de poursuivre un combat encore plus acharné. En fait, ce que la SZ appelle « le véritable calcul » d’Ariel Sharon ne se limite pas à la décapitation du Hamas, pour ne pas le laisser prendre le pouvoir dans la Bande de Gaza en cas de retrait israélien. Non, en réalité, le Hamas et le gouvernement israélien ont besoin l’un de l’autre pour se légitimer. Selon le quotidien munichois, si le Hamas se lance dans des représailles sanglantes, Ariel Sharon se verra conforté dans sa politique expansionniste et qui lui permettra, il l’espère, à terme, annexer la Cisjordanie. Et cette politique expansionniste poussera le Hamas à tuer encore plus de civils israéliens. Et le journal de craindre que les Martyrs d’Al Aqsa, proches du Fatah de Yasser Arafat, se mêlent aussi de venger le cheikh Yassine. Dans ce cas, c’est le chef de l’Autorité palestinienne, assigné à résidence à Ramallah, qui pourrait être l’objet d’une « liquidation ». Un scénario catastrophe pour l’ensemble du monde arabe.