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Réactions au redéploiement français dans le Sahel

22 août 2022

Au Burkina Faso et au Niger, la stratégie de l'armée française dans la lutte contre le terrorisme est critiquée.

Trois soldats maliens du G5 Sahel assis dans un véhicule militaire lors d'une patrouille conjointe avec l'armée française en janvier 2021
Des soldats maliens du G5 Sahel lors d'une patrouille conjointe avec l'armée française en janvier 2021Image : Hans Lucas/IMAGO

Les forces françaises de Barkhane sont donc installées au Nigeraprès avoir quitté le Mali il y a une semaine. Le redéploiement des militaires français est censé tirer les leçons de l'hostilité malienne  en se montrant plus discret mais dans les faits, cette nouvelle stratégie semble se heurter à la même opposition au Niger ou dans d'autres pays du Sahel.

Par ailleurs, la stratégie du tout militaire face aux groupes djihadistes est de nouveau critiquée. 

La nouvelle stratégie de Barkhane est critiquée aussi dans les pays voisins du MaliImage : Nicolas Remene/Le Pictorium/Maxppp/picture alliance

"C'est trop tard"

Moussa Tchangari, secrétaire général de l'association Alternative espace citoyens au Niger, s'oppose ainsi au redéploiement des soldats français dans son pays. Il déclare à la DW ne pas s'attendre "à quelque changement significatif que ce soit".

Selon lui, l'armée française va "vouloir peut-être faire un peu mieux pour se faire accepter mais c'est trop tard".

Moussa Tchangari estime encore "Il n'y a rien à faire, il faut partir, un point c'est tout". Pour lui, la présence effective des militaires français n'empêchera pas les djihadistes de poursuivre leur progression. Cette analyse est partagée par Moussa Mamane Mahamadou, acteur de la société civile de Tillabéry. 

L'armée française a suspendu toutes ses opérations militaires au MaliImage : Thomas Coex/AFP

"Barkhane n'intimide pas le terrorisme"

"Concrètement, Barkhane n'intimide pas le terrorisme, on peut dire qu'il motive les terroristes à faire leur forfaiture", déclare Moussa Mamane Mahamadou qui poursuit : "quand [les terroristes] voient une mission ou un cortège de Barkhane passer, vous allez voir le lendemain ou le surlendemain, ils sortent pour attaquer un village. On ne voulait pas d'eux."

Avec le départ de Barkhane du Mali, certains experts craignent que l'insécurité ne s'accentue chez les voisins nigérien et burkinabè. Pour Moussa Tchangari, la situation sécuritaire demeurera précaire, non pas en raison de l'absence des Français au Mali mais parce que la seule solution militaire a montré ses limites.

Les civils sont les premières victimes des attaques des djihadistes dans le SahelImage : Boureima Hama/AFP

La fracture entre l'Etat et les citoyens

Moussa Tchangari est d'avis que "la présence des forces étrangères obstrue et empêche d'envisager la vraie solution et d'y travailler pendant qu'il est encore temps".

Ceci ne peut qu'aggraver la situation dans la sous-région en région d'une "logique du tout sécuritaire" qu'il décrie : "On va sur le terrain, on fait aussi des exactions qui vont alimenter davantage l'insurrection plutôt que de l'éteindre. Car chaque fois que des exactions sont commises contre des populations, ce sont aussi certainement quelques centaines de personnes qui peuvent les rejoindre. Et ça agrandit la fracture entre l'Etat et les citoyens vivants dans ces zones-là."

Les violences ont créé d'énormes mouvements de population dans la sous-régionImage : imago images/Joerg Boethling

Une action régionale concertée

Le Burkina Faso, pays fragilisé par les attaques djihadistes, est aussi concerné par le retrait des forces françaises. Mahamadou Sawadogo, chercheur spécialiste des questions sécuritaires, est pour sa part convaincu que le retrait de Barkhane va augmenter la perméabilité des frontières. Il insiste donc sur une action régionale.

Mahamadou Sawadogo plaide pour renforcer la coopération entre les pays. "Il va falloir qu'il y ait une forte coopération bilatérale entre le Burkina Faso et le Mali et aussi entre le Burkina Faso et le Niger pour pouvoir venir à bout de cette longue bande frontalière avec le Mali. Avec le Niger, il y a déjà cette coopération bilatérale à travers l'opération conjointe Taanli, une opération qui est régulièrement menée chaque six mois. Et avec le Mali, le Burkina est en train de voir dans quelle mesure il peut effectivement obtenir des coopérations bilatérales", explique le chercheur. 

La zone dite des "trois frontières" est particulièrement touchée par les attaques djihadistes

Le rôle de Paris et d'Alger

Même si, au Burkina Faso, la question de la présence militaire française fait aussi débat, Mahamadou Sawadogo estime que le pays doit renforcer sa coopération avec la France. Il propose également que l'Algérie joue un rôle dans le règlement du conflit en proposant son expérience, notamment à travers le dialogue avec les groupes djihadistes. 

La France a toujours refusé cette solution mais celle-ci pourrait trouver davantage de soutiens dans le Sahel avec le retrait de Barkhane du Mali.