Récupération politique du Covid-19 en Côte d’Ivoire
22 avril 2020Djénéba Komara, veuve et mère de neuf enfants, vit dans la commune d’Abobo. Jusqu’à ce jour, elle n’a pas bénéficié de l’élan de solidarité activé depuis le début de la crise sanitaire.
"Nous les pauvres, on est assis là, les aides ça nous passe devant et on ne sait pas où ils vont avec ça. Qu’est-ce qu’on va dire ?"
Á l’origine de cette chaîne de solidarité, les cadres du parti au pouvoir ont eu pour mission de soutenir les militants de leur chapelle politique. Une attitude décriée par bon nombre d’Ivoiriens, dont Sylvain Kassi.
"Le Covid ne trie pas. Et quand vous avez la gestion des affaires de l’État, vous ne devez pas être partisan", insiste Sylvain Kassi.
Il ajoute qu'"il est important que les gens se ressaisissent. L’État doit protéger l’ensemble de ceux qui vivent sur le territoire. Si les institutions font des dons, il est important de définir les couches plus vulnérables par exemple. Et voir comment distribuer à tout le monde, sans tri et sans discriminer qui que ce soit".
Récupération politique ?
A quelques mois de la présidentielle d’octobre, certains acteurs politiques profitent de la crise sanitaire pour se rendre visible.
Le chef du gouvernement ivoirien a ainsi fait distribuer des sacs de riz et des sceaux pour se laver les mains à son effigie. Ce qui fait penser à Annik, comme à beaucoup d’autres Ivoiriens, que c’est la campagne présidentielle avant l’heure.
"Les gens font une récupération de la crise pour en profiter et en même temps faire la campagne des futures élections à venir. Parce que normalement les dons qui se font devraient être faits de manière neutre. Mais avec ce qu’on voit, on ne sait pas si c’est une campagne ou un soutien aux populations vulnérables".
"Théâtralisation de la détresse des populations"
Le journaliste ivoirien, André Sylver Konan, pour sa part, parle plutôt de théâtralisation de la détresse des populations et de récupération politique de cette crise sanitaire. Pour lui, les Ivoiriens ont besoin d’autre chose que de vivres car il est question de crise sanitaire et non de crise alimentaire.
"Vous verrez par exemple que de nombreuses personnalités vont faire des dons : tout sauf des masques et encore moins des gants. Ce qui montre justement leur volonté de ne pas forcément lutter contre le virus mais de mettre en valeur leur campagne politique électorale. Il y a une instrumentalisation de la détresse dans un but de propagande politique", explique le journaliste.
Les familles vulnérables sont nombreuses aujourd’hui en Côte d’Ivoire du fait de la crise liée au coronavirus. Beaucoup de travailleurs sont au chômage partiel ou technique. Si les aides ne sont pas bien distribuées, les prochains jours risquent d’être difficiles pour beaucoup de ces Ivoiriens.