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France-Rwanda : 25 ans après l'opération turquoise

Philipp Sandner
25 juin 2019

Le récent réchauffement diplomatique entre Paris et Kigali ne doit pas faire oublier que les deux pays ont longtemps entretenu des relations conflictuelles. Il y a 25 ans, la France lançait l'opération Turquoise.

Bildergalerie Genozid in Ruanda Operation turquoise
Image : P.Guyot/AFP/GettyImages

C'était, il y a 25 ans. Le 22 juin 1994, l'ONU donne son feu vert à la France pour l'opération à but humanitaire batptisée Turquoise alors que des massacres ont lieu dans le pays. Une poération toujours contestée qui n'empêchera pas le génocide et laisse encore des traces aujourd'hui entre les deux pays. 

Dès 1994, le Front patriotique rwandais, le parti de l'actuel président rwandais Paul Kagamé, aassure q'il y a des liens étroits entre l'armée francaisde et la vieille garde du régime hutu dont de nombreux génocidaires qui se sont échappés de la zone de protection française vers le Zaïre voisin, l'actuelle République démocratique du Congo. 

Rapprochement récent 

Le Front patriotique rwandais finira par s'emparer de Kigali et du pouvoir en juillet 1994, après le génocide. Par la suite, les relations diplomatiques entre Paris et Kigali se sont considérablement dégradées. Mais ces dernières années, les deux capitales se sont rapprochées. Le président français, Emmanuel Macron, avait été invité à la cérémonie d'ouverture des commémorations cette année du 25e anniversaire du génocide des Tutsis et des Hutus modérés. 

Finalement, Emmanuel Macron n'a pas fait le voyage en avril et s'est fait représenter par le jeune député français d'origine rwandaise, Hervé Berville.

Les présidents francais et rwandais en 2018 à ParisImage : Reuters/C. Hartmann

Commission d'experts sur le génocide en France

Olivier Nduhungirehe, secrétaire d'Etat au ministère rwandais des Affaires étrangères, ne voit pourtant aucun nouveau blocage dans les relations bilatérales entre les deux pays. "Ça ne pose pas problème. Il a valablement représenté son président", estime-t-il.

"Le plus important, c'est que les relations franco-rwandaises ont connu un nouveau départ à différents niveaux. Nous continuerons à travailler à l'amélioration de ces relations, en accordant une attention particulière à certaines des questions sur lesquelles nous travaillons."
Le président Macron a nommé début avril une commission d'experts chargée d'examiner les archives qui concernent la période du génocide au Rwanda.

Une concession appréciée par le Rwanda et pour laquelle le pays a offert sa coopération. Mais les plaies ne se sont pas refermées.

"L'opération Turquoise a protégé l'évasion des auteurs du génocide alors que celui-ci était presque terminé. Cela leur a permis de s'échapper au Zaïre. Nous ici, on parle principalement de la France et du rôle de la France puisque la commission a été nommée par le président français. Car il y a un problème lié au fait que la France soit intervenue au Rwanda en soutenant le régime génocidaire avant, pendant et après le génocide", explique Olivier Nduhungirehe.

Mais est-ce suffisant pour mieux cerner le rôle de la France ? Ou ne faudrait-il pas aussi reconsidérer l'implication d'autres acteurs ? C'est du moins l'avis de l'ancien diplomate et homme politique rwandais Jean-Marie Vianney Ndagijimana. Celui-ci a été ambassadeur du Rwanda à Paris de 1990 à 1994. Et lorsque le Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame a pris le pouvoir à Kigali, il est devenu le premier ministre des affaires étrangères du nouveau gouvernement. Plus tard, Jean-Marie Vianney Ndagijimana est parti en exil en France suite à des incompréhensions avec le pouvoir de Kigali.

"Il est très important d'en savoir plus sur l'implication de la France dans le conflit entre le FPR et le gouvernement de l'ancien président Juvénal Habyarimana" estime M. Ndagijimana

"Mais la France n'est pas le seul pays à être impliqué dans le génocide rwandais. Il serait nécessaire d'enquêter sur le soutien que les rebelles tutsis recevaient de l'Ouganda, mais aussi de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis. Le FPR avait des armes modernes. Il faut savoir qui a aidé le gouvernement et le FPR, pourquoi cela s'est produit et dans quelle mesure c'était légitime", explique M. Ndagijimana. 

Mémorial du génocide au RwandaImage : picture-alliance/dpa/S. Morrison

Des experts indépendants

Neuf experts ont désormais accès aux archives françaises qui ont été fermées pendant 25 ans. La majorité d'entre eux sont des historiens et des chercheurs sur le génocide. "Le travail de la Commission est une bonne occasion d'activer ce réseau d'experts. La Commission travaillera à deux niveaux : elle écoutera un certain nombre d'experts et présentera ensuite son travail à ces experts, à ce comité", explique Vincent Duclert, directeur de la Commission, un expert du génocide en Arménie. Les résultats de la commission  seront publiés et certains documents d'archives mis à la la disposition du public. Vincent Duclert espère que cela permettra de mieux comprendre le rôle de la France au Rwanda.

 

Erratum : Dans notre précédent article (vendredi 21.06.19), nous attribuons les propos de M. Olivier Nduhungirehe, à l'ancien ambassadeur du Rwanda en France, M. Jean-Marie Vianney Ndagijimana. Nous lui présentons nos excuses.