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Ras-le-bol des victimes du régime Habré

Blaise Dariustone
24 avril 2018

Les victimes du régime d'Hissène Habré dénoncent la non-exécution d’une décision de justice rendue il y a trois ans. Trois ans après, rien n’est fait et certains condamnés sont même libres de leur mouvement.

Senegal Prozess gegen Hissene Habre in Dakar Pressekonferenz Clement Abaifouta
Image : picture-alliance/AP Photo/R. Blackwell

"Lorsque vous dites qu’un condamné est dehors, les gens s’arrachent les cheveux" (Clément Abaifouta)

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Le 25 mars 2015, la Cour d'appel de N'Djamena a condamné 20 agents du régime d’Hissène Habré pour assassinats, tortures, séquestrations, et détentions arbitraires.  La Cour a également ordonné une réparation aux 7.000 victimes recensées. 

C’était au terme d’un procès qui a duré trois mois, qu’une dizaine d’agent de la DDS, la Direction de la documentation et de la sécurité, la police politique de l’ancien dictateur, ont été condamnés à des peines de 20 ans de travaux forcés. Sept autres accusés ont été condamnés à la prison à perpétuité.

Image : picture-alliance/dpa

La décision prévoyait également une réparation à hauteur de 75 milliards de francs CFA, environ 114 millions d’euros, aux 7.000 victimes, parties civiles au procès. La moitié de cette somme devait être payée par la vente des biens des personnes condamnées et l’autre moitié par l’État tchadien, déclaré civilement responsable.

Frustration des victimes

Pourtant, trois ans après rien n’est fait. Non seulement les biens de ces personnes n’ont pas été saisis, mais elles sont en libertés. C’est une "insulte" faite aux victimes, déclare Clément Abaifouta, président de l’Association des victimes des crimes et répressions du régime Hissène Habré.

"Ça me fait très mal. Je me dis que c’est une manière de se moquer des victimes ou alors c’est une manière de tromper l’opinion internationale. Ce cas de figure ne peut se produire qu'ici au Tchad. Ailleurs, lorsque vous dites qu’un condamné est dehors, les gens s’arrachent les cheveux".

Manque de volonté politique

Image : picture-alliance/AP Photo/R. Blackwell

C’est une insulte qui pèse sur notre conscience en tant que victimes d’après Clément Abaifouta. Mais pour maître Jacqueline Moudeina, principale avocate des victimes, cela est dû au manque de volonté politique.

"Cette décision vise deux personnes, vous avez le Procureur général qui doit se charger du volet pénal. C'est-à-dire l’incarcération de ces personnes condamnées. Et au niveau de la primature, les juges ont ordonné au Premier ministre de constituer une commission chargée de travailler sur l’indemnisation des victimes, mais rien n’a été fait".

Maître Jacqueline Moudeina a eu à  écrire à deux reprises au Premier ministre. "J’ai demandé à le rencontrer pour savoir quelles sont les difficultés, mais jusqu’à présent mes deux demandes sont restées lettre morte. Il n'y a aucune volonté politique."

Contactés, le ministre de la Justice et le Procureur général n'ont pas souhaité répondre à nos questions. Il faut préciser que la justice avait également ordonné que le gouvernement édifie un monument pour les victimes du régime Habré et que l’ancien siège de la DDS soit transformé en musée. Ces deux mesures qui faisaient partie des revendications de longues dates des victimes n’ont également pas trouvé satisfaction. 

Blaise Dariustone Correspondant au Tchad pour le programme francophone de la Deutsche Welledw_francais