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RCA : "il y a une guerre par procuration dans le pays"

24 juin 2021

Les auteurs d’une enquête affirment que les mercenaires russes du groupe Wagner ont commis des exactions dans le centre du pays. Ils demandent des sanctions.

Le président centrafricain Faustin Archange Touadéra et son homologue russe Vladimir Poutine
Le président centrafricain Faustin Archange Touadéra et son homologue russe Vladimir Poutine Image : Sergei Chirikov/AP Photo/picture alliance

Mankeur Ndiaye, le chef de la Minusca, s’est dit "préoccupé", mercredi, par les violences liées à la contre-offensive militaire de l’armée centrafricaine, soutenue par des mercenaires russes, contre la guérilla de la Coalition des patriotes pour le changement.

L'ambassadeur français à l'ONU, Nicolas de Rivière, s'en est aussi pris aux paramilitaires russes. La Russie ne reconnaît la présence en Centrafrique que d'un millier d'"instructeurs non armés". Sur le terrain, ONG et témoins évoquent cependant une présence plus conséquente et participant ouvertement aux hostilités.

Récemment, les mercenaires russes du groupe Wagner ont été mis en cause par un rapport de CNN et du groupe d’investigation indépendant The Sentry affirmant que ceux-ci ont torturé, violé et assassiné une douzaine de civils à Bambari, dans le centre du pays. La semaine dernière, les députés centrafricains ont récusé ce rapport et le maire de la ville de Bambari avait fait de même sur notre antenne.

Lire aussi → Les pays d'Afrique centrale dénoncent le mercenariat dans la région

Aujourd'hui, les auteurs de l'enquête confirment leurs accusations sur la DW. Brad Brooks-Rubin, avocat général à The Sentry, l’équipe d’investigation qui a mené l’enquête, parle d’un rapport très bien documenté et qui ne laisse pas de place au doute.

Ecouter l’interview de Brad Brooks-Rubin

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Brad Brooks-Rubin : Le rapport que nous avons publié, il y a une vidéo, il a des images. Et en plus, il y a le rapport de l'Onu ! Le démenti du maire est pour moi contredit par nos preuves, celles de CNN, ainsi que celles des Nations unies. Et je pense que ces preuves sont très claires !

 

DW : Alors pourquoi autant de démentis ?

 

Brad Brooks-Rubin : L'effort pour discréditer la société civile et les médias en disant qu'il s'agit d'un complot pour renverser le gouvernement ou déstabiliser le gouvernement est une approche assez familière des gouvernements lorsqu'ils sont accusés de ce genre d'actions et que les mercenaires avec lesquels ils ont passé des accords commettent ce genre d'atrocités.

 

DW : Des députés centrafricains parlent d'un dossier pas fiable. Un député disait même sur notre antenne qu'il s'agit d'une "guerre de positionnement entre les grandes puissances".

 

Selon les Nations unies, Bangui est soutenue par des mercenaires russes Image : Camille Laffont/AFP

Brad Brooks-Rubin : Nous avons produit l'année dernière un rapport intitulé « Stative Pray » qui parle des intérêts français et autres ainsi que des intérêts russes. Il est donc vrai qu'il y une sorte de guerre par procuration en cours dans le pays. Mais, nous, nous nous plaçons dans un contexte plus large dans ce qui se passe en République centrafricaine. C'est pourquoi nous avons appelé à une réelle attention de la communauté internationale sur la situation afin de changer cette dynamique et d'apporter une paix réelle et le respect des droits de l'homme au peuple de la République centrafricaine qui a vraiment souffert des conflits armés et d'atrocités pendant quatre décennies.

 

DW : Comment peut-on améliorer la situation selon-vous ?

 

Brad Brooks-Rubin : D’abord, il faut que les responsables des atrocités rapportées récemment et d’autres aussi rendent des comptes. Via l'utilisation de sanctions financières, des poursuites dans le pays et le tribunal pénal spécial, ainsi que dans d'autres juridictions si possibles. Il doit y avoir aussi un regain d'intérêt pour la diplomatie, un effort diplomatique renouvelé pour faire le point sur la situation. Les accords précédents qui ont été conclus n'ont pas conduit à la paix et à la stabilité de la manière dont beaucoup pensaient qu'ils le feraient. Il y a de nombreux groupes armés qui opèrent dans le pays. Le gouvernement central a très peu de contrôle sur une grande partie du territoire. Et malheureusement on négocie souvent des accords qui récompensent simplement les chefs des groupes armés et les factions rebelles pour leurs atrocités en leur offrant des postes et du pouvoir. Ils en profitent alors pendant un certain temps. Ensuite, ils quittent le pouvoir, reprennent le combat et suivent ce cycle. Il faut trouver un moyen pour s’assurer que viennent au pouvoir non pas des gens qui ont une responsabilité dans de terribles atrocités, mais des dirigeants qui se concentrent sur l'amélioration de la situation dans le pays.