1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Garry Sakata, député : "Je ne perçois pas 21.000 dollars"

21 septembre 2022

Le député congolais Garry Sakata, membre du Parti lumumbiste unifié, revient sur l'actualité législative et la polémique sur le salaire des députés nationaux.

Garry Sakata, élu du Parti Lumumbiste Unifié (Palu) en RDC
Interview avec le député congolais Garry Sakata, du Parti Lumumbiste Unifié en RDCImage : Frejus Quenum/DW

Député national en République démocratique du Congo, Garry Sakata est membre du Parti lumumbiste unifié (Palu). De passage dans les locaux de la Deutsche Welle, l'élu congolais commente l'actualité dans son pays, marquée par plusieurs scandales financiers.

En effet, Vidiye Tshimanga, un conseiller du président de la République, vient de démissionner après la publication d'une vidéo le montrant en train de négocier des commissions sur des investissements. Il est d'ailleurs attendu ce mercredi (21.09.2022) devant le parquet pour être auditionné.

Par ailleurs, une partie de l'opinion congolaise est toujours scandalisée par les révélations sur le salaire jugé trop élevé des députés nationaux.

Ecoutez ou lisez ci-dessous, l'interview avec Garry Sakata.

 

La session parlementaire ouverte le 15 septembre 2022 se consacre prioritairement à la loi des finances 2023 Image : Antoine Moens de hase

DW : Garry Sakata, bonjour.

Garry Sakata : Bonjour Monsieur le journaliste.

DW : L'Assemblée nationale congolaise vient d'ouvrir sa nouvelle session. C'était le 15 septembre exactement. En tant que député national, quels doivent être les sujets prioritaires pour cette session, selon vous ?

Garry Sakata : D'un point de vue constitutionnel et même légal, cette session est d'abord prioritairement budgétaire. Le gouvernement a déjà élaboré le budget. l'Assemblée nationale, qui est l'autorité indiquée, va devoir voter ce budget. Et en dehors de ça, le contrôle qui est le rôle primordial ou principal de l'Assemblée nationale, va devoir continuer.

Le contrôle du gouvernement ainsi que de toutes les autres entités qui en dépendent. Donc ça, ce sont les missions prioritaires de cette session.

Mais il y a également aussi certaines autres lois parce que nous avons un reliquat très important du point de vue législatif. Plusieurs propositions de loi ont été déposées depuis plusieurs années, mais ça tarde à passer soit en plénière, soit au niveau des commissions.

DW : Ces projets de loi ne sont pas prioritaires ? Ou bien à quoi est dû ce retard ?

Garry Sakata : C'est parce que la session passée a été principalement axée sur les lois électorales. Parce qu'on tient à organiser les élections dans le timing prévu. C'est pour ça que, durant la précédente session, on s'est occupé principalement de différentes lois liées aux élections.

A Mbuji Mayi, une épidémie de tuberculose a éclaté dans la prison centrale de cette ville du Kasaï orientalImage : picture-alliance/dpa/W. Langenstrassen

Donc on va devoir, je l'espère, le bureau va devoir cumuler l'aspect budgétaire avec les autres lois qui sont restées en suspens. Moi qui vous parle, j'ai déposé plusieurs propositions de loi. Celle qui me préoccupe beaucoup, c'est celle relative au tribalisme, au racisme et à la xénophobie.

Moderniser le régime pénitentiaire en RDC

Et cette loi me semble importante dans la mesure où actuellement, on signale çà et là, des actes de xénophobie entre citoyens congolais ou entre ceux ci et certains étrangers. Il y a également des lois comme celle relative à la protection des prisonniers sous le régime pénitentiaire, une loi qui me paraît très importante et il y en a tant d'autres, déposées également par des collègues.

DW : En effet, on entend souvent parler du milieu carcéral en RDC, avec des détenus qui ne seraient pas dans de bonnes conditions. Certains meurent en détention.

Garry Sakata : Oui. C'est notamment dû à la vétusté du texte qui date de 1965 et que maintenant nous devons réajuster, le conformer aux nouvelles règles, aux normes internationales, relatives aux droits de l'homme, y compris les droits des prisonniers. C'est donc pour cela que j'ai, avec un autre collègue, soumis une proposition de loi.

DW : Vous vous dites préoccupé par la lutte contre la xénophobie. On s'imagine, dans un contexte de tensions avec le Rwanda, que vous faites allusion aux appels qui se sont multipliés ces derniers temps contre les intérêts rwandais, contre même les citoyens rwandais qui vivent en RDC.

Garry Sakata : Oui, cela s'est passé il y a quelques temps, mais ce n'est plus forcément le cas maintenant. Des citoyens, des pauvres citoyens rwandais qui ne se mêlent en rien de la politique, qui ont été parfois visés. Des gens qui ne cherchent que leur survie et cela n'est pas très bon. S'il y a un gouvernement rwandais qui veut saper la paix en Afrique, qu'on laisse les citoyens, les pauvres citoyens rwandais qui cherchent leur survie quotidienne libres.

L'Etat congolais a été doté d'un budget de 10,7 milliards de dollars américains au titre de l'année 2022Image : Giscard Kusema/Präsidentschaft DR Kongo

Un budget qui évolue crescendo

DW : Vous l'avez rappelé, cette session est largement consacrée au budget 2023. Ce budget est évalué à 14,6 milliards de dollars américains. Pour certains, un pays de la taille de la RDC, avec 80 millions d'habitants, pourrait se doter d'un budget plus étendu, en tout cas plus élevé que 14,6 milliards de dollars américains. Quelle est votre réaction à ce sujet ?

Garry Sakata : Oui, quoi qu'il en soit, on va crescendo. Il y a peu, on était à quatre milliards. L'année passée, je pense, on était à neuf milliards. Et si l'on projette à 14 milliards, on va étape par étape. Reste à voir maintenant que ce budget, qu'il soit de neuf milliards, de 14 milliards, de 20, de 30 ou même des 50 milliards, puisse avoir un impact sur le citoyen.

DW : Justement, sur ce point, vous semblez en phase avec le président de la République qui a déjà annoncé qu'il souhaiterait que ce budget soit axé sur le social, l'éducation, la santé. Vous y croyez vraiment ? Croyez-vous, que le citoyen congolais lambda pourra vraiment bénéficier de ce budget-là ? Sentir que l'Etat fait quelque chose ?

Garry Sakata : Oui, mais vous le savez, le président République est d'un parti socialiste. L'UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social, ndlr). Moi Monsieur Sakata, je suis également d'un parti socialiste, le Parti Lumumbiste unifié. Donc notre but final est de voir la situation du citoyen ordinaire s'améliorer, de sorte que l'on puisse sentir que nous avons fait quelque chose.

En dehors de ça, c'est de la théorie au niveau des chiffres, bons pour les économistes, bons pour les théoriciens des écoles et des universités. Mais nous voulons avoir un impact certain sur le vécu quotidien du citoyen.

DW : C'est vrai que nous sommes à la veille de l'élection présidentielle. Est-ce que ça joue aussi un rôle dans ce message là ?

Garry Sakata : Bon, un rôle ou non, c'est l'idéal de tout politicien, de voir que ses électeurs ont vu leur vécu quotidien s'améliorer.

Arrivé au pouvoir le 24 vjanvier 2019, le président Félix Tshisekedi a annoncé une rupture avec la mauvaise gouvernanceImage : Pau Ellis/AFP/Getty Images

Critiques contre la dilapidation des ressources

DW : Monsieur Garry Sakata, le conseiller du Président de la République, Vidiye Tshimanga a annoncé sa démission suite à la publication d'une vidéo dans laquelle il serait en train de déclarer à des investisseurs qu'il protégerait leurs projets en échange d'une certaine contrepartie. La lutte contre la corruption en République démocratique du Congo, où est-ce qu'on en est ? Beaucoup pensent que ce n'est que l'arbre qui cache la forêt avec l'affaire Vidiye Tshimanga...

Garry Sakata : Oui, on doit vraiment lutter contre la corruption parce que les personnes ne doivent pas profiter de leur statut pour pouvoir se faire corrompre.

DW : Mais pourquoi est-ce que c'est comme cela ? L'indice de la corruption de l'ONG Transparency International classe la RDC parmi les pays ayant le plus fort indice de corruption.

Garry Sakata : Oui, mais c'est une situation que nous allons améliorer et cela ne date pas d'aujourd'hui.

DW : Dans le classement de Transparency International, la RDC occupe la 169ᵉ place sur une liste de 180 pays. Alors que le président Tshisekedi, avait annoncé au début de son mandat, une lutte forte contre la corruption.

Garry Sakata : Oui, et je pense qu'à l'époque, on était 168ᵉ sur 180. Bon, je ne dis pas que la position des 169ᵉ est confortable, mais il peut y avoir des indices qui permettent de croire que ça irait mieux.

Garry Sakata : "Je ne suis pas convaincu de recevoir 21 mille dollars"

This browser does not support the audio element.

Tollé sur le salaire jugé trop élevé des députés nationaux

DW : Autre sujet qui défraie la chronique actuellement, c'est le salaire des députés. Martin Fayulu, opposant politique, qui continue de réclamer la victoire à la présidentielle dernière, a indiqué que depuis janvier 2022, le député national congolais gagne plus de 21.000 dollars américains par mois. Vous êtes député national. Quelle est la vérité dans cette affaire ?

Garry Sakata : Je crois qu'il faut se référer aux chiffres donnés par le ministre des Finances qui a indiqué ce qu'il sortait comme salaire pour les députés et qui est officiel. C'est lui qui est notre caissier et c'est lui qui est notre trésorier et qui sait combien il sort pour tel ou tel citoyen. Je crois que l'on peut se référer à ces chiffres pour rester objectif.

DW : Combien a-t-il annoncé ? 

Garry Sakata : Le ministre des Finances a dit qu'il payait aux députés 14 millions de francs congolais, ce qui équivaut à 7.000 dollars américains, et que par ailleurs, il donnait des frais de fonctionnement à l'Assemblée nationale et que ces frais étaient utilisés selon les besoins du bureau de l'Assemblée nationale. Donc, en ce qui concerne officiellement ce que nous recevons ou ce que moi je reçois, je constate que j'ai reçoit 14 millions de francs congolais. Le surplus, est-ce que c'est à la tête de quelqu'un ? Je ne sais pas, mais je ne suis pas convaincu, déjà avoir reçu 21.000 dollars depuis que je suis député ou encore moins depuis le mois de janvier.

DW : Mais, Martin Fayulu, qui fut député et dont le parti compte encore des députés à l'Assemblée nationale, sait peut-être ce dont il parle ?

Garry Sakata : Bon, il joue également son rôle d'opposant !

DW : Qu'est-ce à dire ? Pensez-vous que c'est de l'opportunisme ?

Garry Sakata : Non, je ne sais pas le dire. Ça serait un manque de respect pour le président Fayulu que de le dire. Bon, je mets ça dans le cadre plutôt de l'animation politique de l'heure. Je n'y vois pas encore les élections, mais la vie politique doit être animée et l'opposition doit également jouer son rôle. C'est sur ce compte que je mets ça en fait, du moins pour l'instant, avec tout le respect que je dois au président Fayulu.

DW : Vous ne vous sentez pas déstabilisés dans l'Union sacrée pour la nation, la majorité autour de Félix Tshisekedi ?

Garry Sakata : Non, non, absolument pas parce que ce qui est dit n'est pas forcément la vérité.

DW : Mais il y a une part de vérité ?

Garry Sakata : Dans la mesure où il y a 14.000.000 de francs congolais qui nous sont versés et que cela est confirmé par le gouvernement, par le ministre des Finances.

Alors, si on estime que ça, c'est beaucoup, c'est autre chose. Mais ça, c'est que nous confirmons en tous cas pour l'heure.

DW : Garry Sakata, merci.

Garry Sakata : C'est moi qui vous remercie.

Passer la section Sur le même thème