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RDC : Des femmes si mal représentées en politique

1 février 2021

Malgré l"Union sacrée" et en dépit des lois et des engagements pris par la RDC, les femmes restent très minoritaires aux postes à responsabilités.

Les femmes constituent la majorité de la société... mais n'occupent que 10% des postes au sein des institutions
Les femmes constituent la majorité de la société... mais n'occupent que 10% des postes au sein des institutions congolaisesImage : NDR

En République démocratique du Congo, une "Union sacrée" est en train de se mettre en place pour assurer une majorité aux partisans du président Tshisekedi à l'Assemblée. Les députés qui rallient ce mouvement s'engagent notamment à unir leurs forces pour combattre la corruption ou l'insécurité.

Lire aussi → RDC : Sylvestre Ilunga Ilunkamba a démissionné

Mais sauront-ils aussi garantir une meilleure représentation des femmes dans le nouveau paysage politique congolais ? En RDC comme ailleurs dans le monde, les femmes représentent environ 52% de la population. Pourtant, au niveau institutionnel, elles sont extrêmement minoritaires.

50% de la population, 12% des élus

Pas Sans Elles : A Goma, les femmes misent sur la culture des champignons

04:20

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L'Assemblée nationale congolaise ne compte qu'environ 12% d'élues femmes et les assemblées provinciales entre 10 et 12%.

Dans son rapport de janvier 2020, l'Union interparlementaire (Organisation mondiale des Parlements nationaux) classe la RDC à la 104e place sur 182 pays avec 17% de femmes au gouvernement et la 150e place sur 189, avec 12% à l'Assemblée nationale et 20% au Sénat.

En politique, les femmes de RDC ne sont pas seulement des "épouses de..." (ici: le président Tshisekedi et son épouse)Image : Giscard Kusema, Presseamt des Präsidenten

D'autres statistiques confirment cette tendance : 8% de femmes parmi les mandataires publics, 12% des postes de secrétaires généraux de l'administration publique sont occupés par des femmes et moins de 10% dans les services de sécurité (armée, police, justice).

Nick Elebe ma Elebe, directeur de l'OSISA (Open society initiative for southern Africa) pour la RDC, relève toutefois "plusieurs points positifs" : le gouvernement Ilunga Ilumkamba, qui vient de tomber, avait fait quelques progrès par rapport à ses prédécesseurs.

Des ministères-clefs, comme les Affaires étrangères, le Plan, le Travail, l'Economie, ou le vice-ministère des Mines avaient été confiés à des femmes. Et puis, pendant plusieurs mois, c'est une femme qui a présidé l'Assemblée nationale.

Jeanine Mabunda, ex-présidente de l'Assemblée congolaise, accueillant le président nigérien en 2019Image : Presidential Press/G. Kusema

Plusieurs instruments à disposition

La sous-représentation féminine en politique n'en reste pas moins un problème structurel en RDC.

"Il faut espérer que le prochain gouvernement maintienne cette dynamique en ayant des portefeuilles stratégiques dirigés par des femmes mais aussi qu'il évolue dans le sens des prescriptions de la Constitution et des engagements régionaux et internationaux de la RDC pour atteindre la parité", déclare Nick Elebe ma Elebe.

Avec la loi sur la parité de 2015, la révision de la loi électorale en 2017 et l'article 14 de la Constitution congolaise, les contraintes légales sont importantes pour garantir l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes. Mais d'autres éléments entrent en compte.

"Une société phallocratique"

Chantal Faida dénonce des "injustices criantes". Cette militante originaire de Goma a travaillé au ministère du Tourisme. Elle est actuellement directrice générale du RAC (Restauration Africa center), un cabinet d'étude spécialisé dans le droit des femmes en République démocratique du Congo. "Le Parlement est la pépinière des hommes et femmes politiques", explique Chantal Faida. "Si déjà à ce niveau, on a 12% et au niveau provincial 10% [de femmes élues dans les assemblées], il n'y aura pas de miracle au niveau gouvernemental pour atteindre les 50%".

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Chantal Faida énumère plusieurs facteurs qui expliquent les disparités persistantes entre les sexes.

  • D'abord l'instruction, l'éducation scolaire : s'il existe désormais une parité au niveau primaire en RDC, la moitié des petites filles n'ont pas accès au niveau secondaire. Cette déperdition scolaire rend plus difficile aux filles d'avoir de grandes ambitions, de se faire "repérer" par les partis politiques et même d'accéder à des emplois formels.
  • Il y a aussi la méconnaissance de leurs droits par les femmes : beaucoup ne sont pas informées des instruments juridiques ou de promotion des femmes qui existent en RDC, des textes ratifiés au niveau national, régional ou international par les autorités congolaises.
  • Et enfin, Chantal Faida dénonce la faible application des textes juridiques qui prévoient l'égalité entre les sexes, notamment l'article 14 de la Constitution congolaise, ou encore la loi de 2015 sur la parité : plus de 70% des personnes nommées à des postes de responsabilités restent des hommes.

Or des décideurs qui eux-mêmes n'appliquent pas les textes, cela ne concourt pas à initier un changement de mentalité dans une société encore "largement phallocratique", déplore la militante.

C'est pourquoi le réseau "Rien sans les femmes", par exemple, dont fait partie le RAC de Chantal Faida, appelle à des lois plus contraignantes que la loi sur la parité ou la loi électorale de 2017, restées très théoriques et qui ne prévoient pas de sanctions pour les contrevenants.

Instaurer un suivi et des sanctions

Nick Elebe ma Elebe préconise à la fois de durcir le contrôle de l'application des textes, et de créer des mécanismes, soit étatiques, soit issus de la société civile, qui permettent d'évaluer et de publier les efforts réels opérés par les partis politiques vers plus d'égalité de genre.

"Ici, il ne suffit pas d'avoir des hommes qui adoptent ou qui encouragent les politiques favorables à la femme", estime-t-il. "Il est aussi question d'avoir des figures féminines qui soient présentes en aussi grand nombre que possible au sein des institutions. C'est une question d'équité dans une société où nous savons qu'à cause des barrières culturelles, des barrières imposées sur les plans économiques et politiques, les femmes qui ont l'ambition d'émerger dans cette sphère subissent des limitations parfois plus importantes que celles des acteurs masculins."

Plus d'obstacles pour les femmes

En l'état actuel des choses, les femmes de RDC restent encore largement exclues du processus politique.

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Chantal Faida explique les nombreuses difficultés rencontrées par les femmes pour trouver leur place dans les partis constitués et se rendre "visibles" : "Déjà, il faut avoir beaucoup de notoriété pour pouvoir se faire repérer comme femme potentiellement ministrable. Il faut aussi avoir des ressources pour vendre sa notoriété dans les médias. Les femmes doivent mener deux combats : celui à l'intérieur du parti et celui à l'extérieur du parti. A l'intérieur du parti, pour se faire inscrire sur les listes, il faut avoir un niveau de réalisations ou d'actions qui parlent, qui vendent votre image. Or les femmes manquent de ressources, n'ayant pas eu des fonctions privilégiées, elles sont marginalisées en termes financiers. Et à l'extérieur du parti, il faut se vendre dans les médias, et en RDC c'est coûteux." 

Les Congolaises rencontrent de nombreuses difficultés sur leur cheminImage : picture-alliance/dpa

L'idée des quotas

Chantal Faida n'attend pas de grande nouveauté de l'Union sacrée. Elle aurait aimé que la RDC s'inspire du système de quotas d'autres Etats de la région : "Le Burundi, le Rwanda, le Mozambique ont intégré les systèmes de quotas parce qu'ils ont compris que si on laissait la compétition se faire entre hommes et femmes, on n'obtiendrait pas les mêmes résultats. C'est pourquoi ils ont adopté des mesures temporaires pour pouvoir arriver à la parité."

L'objectif des militants est que les hommes de RDC et d'ailleurs prennent conscience que les mesures en faveur de la parité ne sont pas seulement des luttes de femmes, mais qu'elles concernent l'ensemble de la société.

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