RDC : les anciens miliciens démobilisés se sentent oubliés
Zanem Nety Zaidi
5 janvier 2022
Des centaines de miliciens démobilisés cantonnés dans un camp près de Goma déplorent leurs conditions de vie. Reportage.
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C’est à Mubambiro, à une dizaine de kilomètres de la ville de Goma, dans l’Est de la RDC, que sont cantonnés de centaines d’anciens combattants de différents groupes armés de la région.
Ils ont été démobilisés mais attendent toujours leur réinsertion ou réintégration. Tumaini Jackson, qui vit dans ce camp depuis plus de trois ans avec sa famille, dit vivre dans des conditions inhumaines :
"Nous vivons et dormons dans de très mauvaises conditions, nous ne trouvons pas de nourriture. Nos enfants souffrent déjà de kwashiorkor (forme de malnutrition dont souffrent les enfants en manque de protéines, ndlr) et nos femmes et nous, ne savons plus comment nous habiller. Pour pouvoir survivre, nous labourons les champs des gens qui sont voisins du camp, mais eux aussi nous sous-estiment, ils ne nous traitent pas bien."
L'ex-combattant ne comprend pas pourquoi il se retrouve dans cette situation alors que par le passé, le camp a reçu plusieurs visites des autorités, dont celle du président congolais Félix Tshisekedi. Jusque’à présent aucune promesse n’aurait été tenue et Tumani Jackson se sent oublié :
"Nous ne comprenons pas pourquoi nous restons dans ces conditions de vie précaires malgré les multiples visites des autorités gouvernementales, même le président lui-même lors de sa visite ici, nous avait garanti qu'il allait trouver une solution à notre situation en si peu de temps mais jusqu'à aujourd'hui, trois ans après, rien n'est fait, nous sommes toujours délaissés."
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D'autres Etats ont également connu des changements violents : en mai, l'armée a fait un coup d'Etat au Mali - pour la deuxième fois en neuf mois -, en septembre, Mamady Doumbouya (photo) a mis fin au régime d'Alpha Condé en Guinée et en octobre, le gouvernement de transition a été destitué au Soudan. Depuis des semaines, la population soudanaise manifeste dans les rues pour s'y opposer.
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Encore une fois cueilli à froid
En fait, il existe à Goma un système d'alerte précoce qui doit prévenir des éruptions volcaniques. Mais l'observatoire s'est vu couper les vivres en raison de soupçons d'emplois fictifs et de corruption. Comme en 2002, l'éruption du Nyiragongo en mai a pris la ville de l'est de la RDC au dépourvu. Des centaines de milliers de personnes ont dû fuir et des dizaines d'autres ont perdu la vie.
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Montrer ensemble sa force
Le président mozambicain Filipe Nyusi parle d'une "coopération exemplaire" : depuis juillet, le Rwanda participe avec un millier de soldats à la lutte contre les islamistes dans la province du Cabo Delgado. Le président rwandais Paul Kagame (au centre à gauche) est venu faire une petite visite. Moins médiatisées, les troupes de la SADC apportent également leur soutien.
Image : Estácio Valoi/DW
La guerre civile éthiopienne touche les personnes vulnérables
Tous les espoirs de voir le Premier ministre éthiopien et prix Nobel de la paix Abiy Ahmed se montrer ouvert au dialogue dans le conflit du Tigré sont restés vains. La partie adverse a également recours aux armes. Souvent, la violence a touché des civils, comme cette jeune fille de 17 ans. La rhétorique inhumaine fait craindre aux observateurs un génocide imminent.
Image : Maria Gerth-Niculescu/DW
Abandonné à lui-même
L'Afrique du Sud a beaucoup souffert de la Covid-19 : plus de 3,3 millions d'infections confirmées dont 90.000 morts. En novembre, des chercheurs ont découvert le variant Omicron. Mais au lieu de remerciements, l'isolement international a suivi, de nombreux voyages ont été interdits. Le président Cyril Ramaphosa a accusé le Nord d'"apartheid vaccinal" lors de la distribution des vaccins.
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Un retour en fanfare
Dans la querelle sur l'héritage culturel africain qui dure depuis des décennies, 2021 marque un tournant. Plusieurs pays l'ont reconnu : les objets volés dans les anciennes colonies doivent retourner en Afrique - et il vaut mieux le faire aujourd'hui que demain. Au Bénin, les honneurs militaires ont été rendus en novembre au trône du roi du Dahomey Guézo, qui était jusqu'à présent exposé à Paris.
Image : Seraphin Zounyekpe/Presidence of Benin/Xinhua/picture alliance
La France se retire, le Mali veut prendre les devants
Après neuf ans, l'armée française s'est retirée de Tombouctou, dans le nord du Mali. C'est là que l'offensive contre les islamistes a débuté en 2013. La France reste présente dans le sud. Le chef de la diplomatie malienne Abdoulaye Diop souligne sur la DW son souhait de poursuivre le dialogue "de manière constructive et ouverte". Mais le Mali doit être équipé pour le leadership, selon lui.
Image : Blondet Eliot/ABACA/picture alliance
L'Afrique peut être au cœur de la littérature mondiale
Traditionnellement, l'Occident déterminait le canon des prix littéraires internationaux. Il en a été autrement en 2021 : Abdulrazak Gurnah, né à Zanzibar, a reçu le prix Nobel de littérature, le Booker Prize a été décerné au Sud-Africain Damon Galgut, le prix de la paix des libraires allemands à la Zimbabwéenne Tsitsi Dangarembga (photo) et le prix Goncourt au Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr.
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Place de nouveau à la danse
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Image : PIERRE VERDY/AFP via Getty Images
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Manifestation endeuillée
Dimanche dernier, des miliciens démobilisés ont manifesté leur colère en barricadant la route Goma-Sake avant d’être dispersés par l'armée congolaise. Les répressions ont même fait un mort parmi les manifestants.
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Ecoutez le reportage de notre correspondant à Goma
Muisha Busanga de la société civile de Kamuronza, où se trouve leur camp, demande l'implication des autorités et plaide pour la délocalisation du camp :
"Ces ex-combattants se livrent à des pratiques qui mettent en danger la vie de la population, comme le vol des biens des gens et la récolte de leurs cultures. Ces personnes doivent être délocalisées, elles ne sont pas bien encadrées et cela constitue un danger. S'ils ne sont pas bien encadrés, cela ne motivera pas les autres qui sont restés dans la forêt à déposer les armes."
La société civile a révélé que des centaines d'ex-combattants étaient déjà retournés en brousse à cause des conditions de vie difficiles dans le camp. Les autorités militaires que nous avons contactées n'ont pas voulu commenter le sujet, mais nous ont assuré qu'une solution sera trouvée dans un avenir proche.