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RDC : les défis de Félix Tshisekedi pour son second mandat

9 janvier 2024

La Cour constitutionnelle a confirmé les résultats définitifs. Le président réélu devra faire face à l'animosité politique, à des défis sécuritaires et économiques.

Félix Tshisekedi a été réélu haut la main président de la République démocratique du Congo, avec 73,34 % des voix selon un score officiel de la Céni
Félix Tshisekedi a été réélu haut la main président de la République démocratique du Congo, avec 73,34 % des voix selon un score officiel de la CéniImage : Arsene Mpiana/AFP/Getty Images

À la veille de la nouvelle année, la Commission électorale indépendante  de la République démocratique du Congo (Céni) a déclaré le président sortant Félix Tshisekedi vainqueur de l'élection présidentielle contestée du 20 décembre.

Les résultats provisoires de la Céni confirmés par la Cour Constitutionnelle donnent 73,34% des voix à Félix Tshisekedi, mais de suite les résultats sont rejetés par les candidats de l'opposition qui appellent à des manifestations.

RDC : la police empêche une manifestation de l’opposition

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Les résultats définitifs publiés désormais, le second mandat de Tshisekedi va débuter... Et le président aura plusieurs défis à relever, de plus en plus nombreux. Lutte contre l'insécurité et l'instabilité économique, travail pour plus de cohésion nationale ou encore amélioration de la coopération régionale.

Au début de son premier mandat controversé, Félix Tshisekedi avait promis de mettre fin aux violences dans l'est du Congo, en particulier dans la province du Nord-Kivu. "Je suis prêt à sacrifier ma vie pour que la paix revienne", avait-il déclaré à l'époque.

Cinq ans plus tard, la situation s'est aggravée.

Des groupes armés et des millions de personnes déplacées

Contrairement aux conflits précédents, qui impliquaient environ 200 groupes armés sans objectifs politiques, Kinshasa est aujourd'hui confrontée au puissant groupe rebelle M23.

Ce groupe s'est emparé de vastes pans de territoire et menace de s'emparer aussi de Goma, la capitale du Nord-Kivu.

D'autres groupes armés sont également actifs dans l'est du Congo. Les attaques contre les civils ont forcé de nombreuses personnes à se réfugier dans des camps de déplacés.

"Aujourd'hui, on a plus de déplacés que jamais en RDC avec plus de 6 millions de personnes déplacées, et ces déplacements ont lieu à cause d'une situation sécuritaire très complexe", explique à la DW  Jason Stearns, directeur du Groupe de recherche sur le Congo (GEC) de l'Université de New York. Et d'avertir : "Il est impossible d'envisager une stabilité à long terme dans l'Est de la RDC sans le renforcement et la redevabilité de l'Etat". Selon cet expert, Tshisekedi devrait entreprendre des réformes approfondies qui permettraient de désarmer tous les groupes armés.

L'Ouganda et la RDC ont lancé une offensive conjointe en 2021 pour chasser les ADF de leurs bastions congolais, sans parvenir jusqu'à présent à mettre fin aux attaques du groupeImage : Alain Uaykani/Xinhua/IMAGO

Un appel que partage Yvon Muya, enseignant et chercheur à la l'école d'études de conflits de l'Université Saint-Paul à Ottawa, au Canada. Il insiste lui aussi : Thisekedi devra donner la priorité à l'insécurité profondément enracinée dans l'est du Congo."Il devra y apporter des réponses rapides ou du moins montrer aux Congolais qu'il dispose d'une stratégie crédible face à ce conflit dans l'est du Congo, qui vient de franchir une nouvelle étape'', insiste-t-il sur la DW.

Le M23 occupe la localité de Bunagana, poste frontalier entre la RDC et l'Ouganda

L'animosité politique menace l'unité nationale

Les élections générales du 20 décembre ont été organisées dans un climat de méfiance entre les acteurs politiques et les organisations de la société civile, y compris l'influente Église catholique.

Tshisekedi, après avoir rompu avec son prédécesseur Joseph Kabila, a consolidé son pouvoir en nommant des juges à la Cour constitutionnelle et des officiers supérieurs de l'armée. Ses principaux opposants s'étaient opposés à la designation des membres de la Ceni actuelle, accusant la commission électorale d'avoir été mise en place pour donner la victoire à Tshisekedi.

La campagne électorale, qui a duré un mois, a été marquée par des discours de haine. Les analystes estiment que Tshisekedi devra rapidement trouver des moyens de réunifier un pays divisé.

"Le président Tshisekedi va devoir trouver des mots justes pour faire communauté et faire sentir aux  Congolais qu'ils appartiennent à une même nation, le Congo", explique Yvon Muya. Mais cela pourrait s'avérer difficile. Outre les adversaires politiques qui organisent des manifestations, une nouvelle alliance politique et militaire est entrée en jeu.  L'Alliance Fleuve Congo (AFC) créée par Corneille Nangaa, l'ancien président de la Ceni qui a menacé d'évincer Tshisekedi par les armes.

Tensions croissantes dans la région

En novembre, Kinshasa et Kigali se sont engagés à prendre "des mesures spécifiques" pour réduire les tensions dans l'est de la RDC, selon la Maison BlancheImage : SIMON WOHLFAHRT/AFP/Getty Images

Au cours de son second mandat, Félix Tshisekedi devra aussi élaborer une nouvelle stratégie de coopération régionale afin de surmonter les tensions croissantes entre le Congo et ses partenaires de la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC).

Un malentendu avec le Rwanda sur les responsabilités de la force régionale de l'EAC dans la lutte contre les rebelles du M23 a provoqué des frictions entre la RDC et le Kenya. Des tensions existent également entre la RDC et l'Ouganda voisin.

Selon Yvon Muya, la solution à l'insécurité dans l'est du Congo passe par la stabilité entre les États membres de l'EAC. "En tous les cas , s'il faut discuter  avec les vrais patrons du M23/AFC, le gouvernement congolais sait qu'il va devoir renouer les négociations avec le Rwanda."

Tshisekedi a, lors de son premier mandat, beaucoup voyagé à l'étranger pour tenter de nouer de meilleures relations avec les pays voisins et attirer les investisseurs étrangers, mais sans grand succès. Ses efforts diplomatiques ont été entravés par de nombreux scandales de corruption impliquant des proches collaborateurs et des hauts fonctionnaires de son gouvernement.

"Pays riche, citoyens pauvres"

Tshisekedi avait promis de faire de la RDC "l'Allemagne de l'Afrique". Mais sous son administration, la monnaie locale, le franc congolais, a continué se déprécier, réduisant la qualité de vie de la majorité des citoyens.

Lorsque les questions de l'augmentation du coût de la vie et du chômage ont été soulevées lors de ses meetings électoraux, Tshisekedi s'est engagé à créer quelque 6,2 millions d'emplois au cours des cinq prochaines années. Il a également promis de contrôler l'inflation, que la Banque mondiale estime aujourd'hui à environ 21 %.

Le bilan de son premier mandat a été jugé mitigé par les analystesImage : Alexis Huguet/AFP/Getty Images

Israël Mutala, un expert de l'économie congolaise, estime que la croissance économique de ce pays riche en minerais devrait être à deux chiffres plutôt qu'à près de 7 %, comme l'a estimé la Banque mondiale pour 2023.

"Il faut aussi diversifier l'économie afin de la rendre moins dépendante de l'industrie minière. Et cela passe nécessairement par le développement de l'agriculture dans toutes ses filières. Il faut aussi doter le pays des infrastructures énergétiques mais aussi de communication, en particulier les routes et le chemin de fer", explique Mutala à DW.

Succès de la politique des services sociaux

Parmi les réalisations de Tshisekedi, on peut citer l'introduction de l'enseignement primaire gratuit et des soins de santé primaires gratuits, qui permettent aux femmes d'accoucher sans frais à payer dans les hôpitaux publics.

Mais le slogan "le peuple d'abord" de son parti, l'UDPS, qui a été lancé dans le but de sortir 20 millions de Congolais de l'extrême pauvreté, s'est avéré être une chimère.

Félix Tshisekedi a promis de faire plus, d'étendre la gratuité au secondaire, de créer des emplois, de développer l'agriculture, de poursuivre son plan de développement du Congo profondImage : Getty Images/AFP/J. D. Kannah

Un quart de la population congolaise est confrontée à l'insécurité alimentaire aigue, et 62 % vit en dessous du seuil de pauvreté. Seuls 15 % des citoyens ont accès à l'électricité, bien que le pays abrite le barrage d'Inga, qui peut produire jusqu'à 40 000 mégawatts d'électricité, soit environ un tiers des besoins en électricité de l'ensemble du continent africain.

Selon l'économiste Israël Mutala, pour réussir sur le plan économique, Tshisekedi devra changer d'orientation diplomatique.

''Il faut, à côté de la diplomatie de la guerre ou de la paix,  une diplomatie du développement qui passe par une recherche plus accrue à attirer le maximum d'investissements étrangers qui vont aussi contribuer à financer les projets structurants'', conclut prénom Mutala sur la DW.

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