En RDC, comment doit fonctionner l'échange de prisonniers
28 octobre 2025
Le 14 octobre, les délégations de la République démocratique du Congo et celle des rebelles de l’Alliance Fleuve Congo-M23 ont procédé à la signature du Mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu.
Cette étape est une avancée significative dans la mise en œuvre de la déclaration de principes de Doha qui avait été paraphée le 19 juillet dernier.
Dans une dynamique similaire, au mois de septembre, les délégués de la RDC et ceux del’AFC-M23 ont signé un mécanisme de libération de personnes détenues. Mais les étapes sont encore longues avant que celui-ci ne puisse avoir lieu.
Le Comité international de la Croix-Rouge, le CICR, joue le rôle d’intermédiaire neutre dans cet échange de prisonniers, sur la base de son mandat et du droit international humanitaire.
Acteur neutre
Le 12 septembre dernier, un mécanisme de libération de personnes détenues a été signé entre la RDC et les rebelles de l’AFC-M23. Ce mécanisme, élaboré sous l’égide du CICR, prévoit un processus d’identification, de vérification et de libération des détenus des deux camps.
Le CICR n’est pas partie prenante aux négociations, mais il est sollicité afin de faciliter la mise en œuvre des accords entre les parties. "Certaines décisions appartiennent exclusivement aux parties, telles que le choix sur les détenus qui seront libérés, ainsi que les délais de libération", explique Carin Naike-Kohl, coordinatrice Protection au CICR.
Selon elle, "il y a quelques semaines, la signature du mécanisme qui porte sur les modalités de libération des personnes détenues était une phase importante et c’est la première d’une série d’actions à mettre en place avant les libérations proprement dites. Pour notre part, on reste prêts et au-delà des aspects logistiques de l’opération, le rôle du CICR est de veiller au respect du droit international humanitaire et au traitement humain des détenus, tout au long des différentes phases de libération, ainsi qu’au consentement des personnes qui seront libérées."
Au mois de mai dernier, le CICR avait déjà été sollicité pour accompagner le transport, de Goma à Kinshasa, de plus d'un millier de soldats congolais désarmés.
Respect du droit international humanitaire
Sarah Menard April est experte des questions juridiques au sein du CICR. Elle rappelle qu’il s’est agi d’une opération complexe qui impliquait une multitude d’acteurs, parmi lesquels les autorités congolaises, l’AFC-M23 et la Monusco.
"L’objectif premier du CICR était, pour des raisons purement humanitaires, de s’assurer de la protection des gens qui prenaient part à cette opération et de s’assurer que leur transport se fasse en toute sécurité, note Sarah Menard April. Il a fallu mobiliser des moyens terrestres et aériens. Il a fallu faciliter le transport de 1 359 personnes sur 2 000 kilomètres, au travers de la ligne de front. Au niveau sécurité, c’est sûr que cela a demandé un engagement considérable, avec différentes parties au conflit, mais aussi avec des communautés pour réduire les risques et expliquer au maximum l’objectif purement humanitaire de cette opération."
Bien que le cadre semble posé sur le papier, l’exécution et l’application sur le terrain semblent encore éloignés. Bob Kabamba, professeur de sciences politiques à l’Université de Liège, en Belgique, émet une certaine réserve. Pour lui, "on a les prisonniers qui ont été condamnés de manière officielle et définitive, il y a des prisonniers pour lesquels il n’y a aucun dossier et qui sont en prison, puis il y en a d’autres qui sont détenus dans des lieux qui ne sont pas connus et lorsque l’AFC-M23 réclame la libération de ces prisonniers, là, on va avoir une difficulté, à savoir déterminer qui a le statut de prisonnier et qui ne l’a pas. Et jusque-là, l’administration congolaise n’est pas encore en mesure de pouvoir fournir une liste correcte avec une catégorisation qui corresponde à la réalité. Et, de ce fait, même le processus de libération des prisonniers ne va certainement pas aboutir et va créer plus de confusion que de clarté dans ce système."
Au mois de septembre, lors d’un point de presse, Guillaume Ngefa, le ministre congolais de la Justice, a insisté sur le caractère "rigoureux" du mécanisme d’échange de libération de détenus. Selon lui, ce mécanisme ne s'appliquera pas à ceux qui ont commis des violations du droit international.