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La milice Codéco, un danger en RDC

27 mars 2023

La milice communautaire Codéco a exécuté 17 otages dimanche, un an pourtant après que la RDC a tenté de négocier un cessez-le-feu avec d’anciens chefs de guerre.

Des civils et des volontaires de la Croix-Rouge assistent le 4 février 2022 à l'enterrement de 62 personnes déplacées qui ont été massacrées dans la nuit du 1er février 2022 dans le camp de déplacés de Plaine Savo près de Bule dans la province de l'Ituri. Ce massacre a été attribué par les autorités aux miliciens de la Codeco
La Codeco est considérée comme l’un des groupes armés les plus meurtriers dans l’est de la RDCImage : Jorkim Jotham Pituwa/AFP via Getty Images

C’est la consternation en Ituri après l’exécution par la Codéco de 17 otages, dimanche [26.03.23]. Les personnes tuées ont d’abord été prises en otage avant d’être exécutées le lendemain par la milice Codéco. Elles quittaient le chef-de-lieu dela province de l’Ituri, la ville de Bunia, pour se rendre dans la cité minière de Mongbwalu lorsque leur convoi est tombé dans une embuscade.

Christian Shauri, de la société civile de l’Ituri, dénonce un massacre de trop qui pourrait révolter les populations dans cette province de l’est de la RDC.

"Nous ne comprenons pas comment la Codéco, qui avait déjà signé l’acte unilatéral de cessation des hostilités, peut encore revenir dans le jeu, en continuant à tuer alors qu’ils étaient déjà engagés dans le processus de paix", indique l’acteur de la société civile à la DW.

Lamilice communautaire Codéco, forte de plusieurs milliers d’hommes, est aussi accusée d’avoir tué, mercredi dernier, six personnes et blessés plusieurs autres à coups de machette dans le village de Drodro, dans le territoire de Djugu, toujours en Ituri.

Pourtant, il y a un an, Kinshasa avait dépêché en Ituri d’anciens chefs de guerre, parmi lesquels Thomas Lubanga et Germain Katanga. L’objectif controversé du gouvernement congolais était de négocier un cessez-le-feu avec ce groupe qui dit vouloir protéger la tribu Lendu face à une tribu rivale, les Hema, défendus pour leur part par une autre milice, les Zaïre. Mais les émissaires avaient alors été kidnappés par la Codéco avant d’être relâchés. 

Malgré l’état de siège dans la région, la province de l’Ituri est le théâtre régulier d’attaques de groupes armés Image : Tom Peyre-Costa/NRC

Approche électoraliste de Kinshasa

Un an après cette initiative de Kinshasa, qualifiée d’approche électoraliste par Héritier Kapitene, le spécialiste de l’est de la RDC considère cette mission comme un échec.

"La Codéco est dans une approche très localiste pour essayer un peu de mettre la pression sur Kinshasa pour obtenir des petits positionnements politiques dans le gouvernement provincial, explique l’analyste à la DW.  Au même moment, la Codéco est beaucoup plus violente que le M23. Le M23 ne s’attaque pas directement aux civils, la Codéco s’attaque très directement aux civils. C’est un mouvement qu’on a assimilé aux ADF par exemple."

En janvier dernier, l’Onu a découvert près de 50 corps dans des fosses communes en Ituri après plusieurs attaques conduites par la Codéco.

Interrogé sur cette médiation de Kinshasa menée il y a un an et qui visiblement a échoué, un haut cadre de l’armée congolaise explique que ce sont "des histoires politiques". 

Actes de représailles

Le lieutenant Jules Ngongo, porte-parole de l’armée en Ituri, voit dans l’exécution de ce dimanche des actes de représailles de la milice Zaïre après que ses membres ont été attaqués, il y a quelques jours, par la Codéco. Il estime que les grands bastions de ces groupes rebelles seraient désormais sous le contrôle de l’armées congolaise.

"Nous avons enregistré plus de 720.000 personnes rentrées dans leur milieu d’origine après que les forces armées ont eu à stabiliser la situation, précise le lieutenant Ngongo à la DW. Mais il reste beaucoup à faire, surtout avec les nouveaux modus operandi de ces milices entre elles, faits d’attaques et de représailles."

Ecoutez l’analyse des experts interrogés par la DW

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Le conflit meurtrier entre les tribus Lendu et Hema a repris fin 2017 après une décennie d’accalmie. Le conflit a provoqué la fuite de plus d’un million et demi de personnes et la mort de plusieurs milliers de civils.

Un an après cette tentative considérée comme un échec, Onesphore Sematumba , de l’International Crisis Group, rappelle que la Codéco est l’un des plus puissants groupes rebelles qui opèrent en Ituri. 

Interview avec le chercheur Onesphore Sematumba, de l'ICG : 


DW : Qu'est-ce qui caractérise la Codéco?

A part d'être à la fois cette secte, ce groupe armé local, si meurtrier, elle est aussi une sorte de nébuleuse parce qu'il y a plusieurs factions qui se réclament de la Codéco et c'est cela qui fait que les actes d'engagement, que la Codéco signe avec ses partenaires gouvernementaux n'aboutissent pas.

 

DW : Est-ce-que la Codéco bénéficie de soutiens ?

Ses soutiens peuvent être locaux, donc les chefs coutumiers, les notables, tout ce qu'il y a comme jeunesse dans le territoire de Djugu et ailleurs en Ituri, mais aussi comme tous les groupes armés congolais d'ailleurs, il y a certainement des alliances ou des ficelles qui sont tirées à partir des localités ou des espaces au-delà de Djugu et de l'Ituri, mais aussi vers Kinshasa. Tous les groupes armés ont des affinités, des accointances avec les élites locales et nationales.

 

DW : Il y a un an, d'anciens chefs de guerre comme Thomas Lubanga, ou Germain Katanga, ont été dépêchés en Ituri par Kinshasa pour négocier un cessez-le-feu avec la Codéco. Peut-on dire que cette initiative a échoué ?

Oui, bien sûr. Elle a même été humiliée, cette mission-là, parce que pour rappel, les membres de cette mission ont été encore une fois prises en otage par la Codéco et libérés après d'âpres négociations. Nous ne devons pas oublier que tout ceci, y compris les attaques ou la prise d'otages et l'exécution de ces pauvres malheureux, se déroule alors que la province de l'Ituri est sous état de siège. Et la Codéco a été parmi les les groupes ciblés par l'état de siège. Mais enfin, c'est aussi l'échec dans la mise en œuvre de nouveaux programmes de démobilisation appelé PDDSR, qui étaient censés répondre rapidement à cette question des groupes armés locaux.