Félix Tshisekedi veut assainir le secteur minier de RDC
22 novembre 2021
Le président congolais a ordonné la suspension des permis miniers accordés à certaines entreprises étrangères à la suite d’un rapport parlementaire dénonçant l’exploitation illégale des mines du pays.
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Félix Tshisekedi a décidé de suspendre plusieurs permis de recherche et d’exploitation de mines ou de carrières jusqu’à l’assainissement du fichier cadastral minier congolais.
Le retrait des autorisations et droits d’exploitation concernerait des contrevenants au code minier adopté en 2017.
Il a été aussi décidé d’enquêter sur de possibles malversations au détriment de l’Etat, essentiellement des cas de corruption.
N'Samba Kalambayi, ministre congolaise des Mines, reconnaît le désordre qui règne dans ce domaine stratégique en RDC, son pays.
"Déjà, il y avait une décision qui avait été prise à la 21e réunion du Conseil des ministres. Il y a des permis à déchoir. Il y a tellement de désordre dans ce secteur. Nous devons d'abord continuer avec la déchéance parce qu’il y a trop de permis qui ont été octroyés ou qui sont encore en train d’être octroyés et qui ne sont pas dans les normes. Donc, lorsque le chef de l’Etat prend une décision comme ça, ça nous facilite la tâche pour pouvoir rapidement mettre tout au clair" , affirme la ministre au micro de la DW.
Nouveau code minier en RDC: fin de l'âge d'or pour les multinationales
Le président Kabila a promulgué un nouveau code minier malgré le lobbying des sociétés minières contre la hausse des taxes et la fin d'une clause de stabilité des contrats. Voici ce qui va changer pour les opérateurs.
Image : Reuters/P. Jones
Le cobalt "substance stratégique"
Le taux de la redevance sur le cobalt, dont la RDC a fourni les deux tiers de la demande mondiale en 2017, devrait passer de 2 à 10%. Un décret du Premier ministre va vraisemblablement classer ce minerai rare, indispensable aux batteries nouvelle génération des voitures électriques, parmi les "substances stratégiques". Le cuivre est également concerné par cette hausse.
Le nouveau code prévoit aussi une rénégociation régulière des contrats et une participation d’au moins 10% des personnes physiques de nationalité congolaise dans le capital social des sociétés minières. L'ancien code de 2002, adopté en pleine guerre, visait à attirer et rassurer les investisseurs étrangers en leur accordant des droits et des facilités dans le régime fiscal.
Image : picture-alliance/dpa/J. Bätz
Des recettes substantielles pour l'État
Selon le communiqué de la présidence congolaise, le nouveau code minier doit "rapporter à l'Etat des recettes substantielles pour son développement économique et social". La moitié des recettes d’exportation sont destinées au pouvoir central, 20 % au pouvoir provincial, 15% aux entités territoriales décentralisées et 15% aux générations futures.
Image : picture-alliance/dpa/J. Bätz
Un boom qui doit profiter aux populations
Plusieurs ONG de la société civile ont fait pression sur le président Kabila pour qu'il ne cède pas face aux opérateurs miniers. Elles espèrent que le pays bénéficiera du boom minier qui se dessine. "Pour une fois, la population va pouvoir profiter des retombées de l'embellie", affirme ainsi Jérôme Sekana, président de l'ONG "Toile d'araignée" qui regroupe plusieurs journalistes économiques.
Image : Getty Images/AFP/F. Scoppa
Les prédateurs encore à l'œuvre
D'autres groupements citoyens, au contraire, pensent que les Congolais ne verront pas la couleur des recettes minières. "Les multinationales et le régime #Kabila se disputent chacun leurs intérêts, pas ceux du peuple congolais. Deux camps prédateurs se disputent le butin du #Congo!", a dénoncé par exemple le mouvement Lucha sur son compte Twitter.
Image : picture alliance/AP Photo/S. van Zuydam
La porte ouverte à la corruption
En juillet 2017, Global Witness qualifiait le secteur minier congolais de "distributeur automatique de billets" pour le régime de Joseph Kabila. Aujourd'hui, l'ONG britannique prévient qu'une "application au cas par cas de la nouvelle loi risque d'ouvrir la porte à des accords corrompus de la part de sociétés sans scrupule qui cherchent un traitement préférentiel".
Image : Getty Images/P. Pettersson
Revirement des sociétés minières
Après avoir tenté d'empêcher l'adoption du code, les sociétés minières (dont Rangold, Glencore et China Molybdenum) ont d'ailleurs changé de tactique. Elles ont fait des "propositions" au ministre des Mines et "attendent un rendez-vous" avec Martin Kwabelulu. Elles se retirent en outre de la Fédération des entreprises congolaises (FEC), qui "ne représente pas correctement leurs intérêts".
Image : Reuters/P. Jones
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Satisfecit de l'ACAJ
La décision d’améliorer la gestion de ce secteur clé de l’économie congolaise est saluée par Georges Kapiamba, président de l'Association congolaise pour l'accès à la justice (ACAJ).
"Nous nous félicitons de cette décision parce qu’elle résulte d’un plaidoyer que nous avons mené depuis que le président Félix Tshisekedi est au pouvoir (janvier 2019). Et aujourd’hui, il l’a entendu", se réjouit Georges Kapiamba.
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La vigilance de mise
Félix Tshisekedi a également demandé à la ministre des Mines, N'Samba Kalambayi, d'évaluer la régularité du processus de renouvellement de certains droits d’exploitation, en raison de soupçons de corruption.
Jean-Claude Mputu, porte-parole du collectif "Le Congo n'est pas à vendre", conseille cependant prudence et vigilance.
Il reconnait que "c'est un signal positif. Mais, ajoute-t-il, nous sommes habitués à des effets d'annonce".Pour lui, la mesure peut être positive. À condition qu'elle soit accompagnée d'un certain nombre de principes de transparence, de publication des permis et que "ça ne soit pas une nouvelle occasion, comme souvent par le passé, pour les gens au pouvoir de négocier des rétrocommissions et des dessous de mains."
En mars 2018, avait été promulgué un nouveau code minier par l’ancien président Joseph Kabila. Sur le papier, ce code devait multiplier par cinq la taxe sur le cobalt pour, officiellement, rapporter davantage de ressources fiscales au pays.
Ce qui n’est pas le cas, à en croire le rapport parlementaire qui recommande un assainissement de l’industrie minière en RDC.