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Au Nord-Kivu, des femmes violées sur le chemin des champs

Pascal Mapenzi
11 octobre 2024

Ces viols se passent dans les localités de Alimbongo et de Kaseghe, des localités situées de part et d’autre de la zone neutre établie entre le M23 et l’armée congolaise.

Une femme violée dans sa maison
Dans l'est de la RDC, les femmes sont violées quotidiennement par des groupes armés Image : Yannick Tylle/picture-alliance

Elles vont désormais en équipe de cinq ou dix pour cultiver leurs champs à tour de rôle. Une horaire rotative mise en place pour permettre aux femmes d’Alimbongo, une localité encore sous contrôle de l’armée congolaise, d’échapper au viol devenu récurrent dans des champs et sur des routes de desserte agricole depuis la sur-militarisation de la zone. L’armée congolaise a, en fait, renforcé sa présence sur le front nord de la province afin d’empêcher l’avancée de la rébellion du 23 mars, après la chute de Kanyabayonga et Kirumba, fin juin 2024. 

Kahambu Neema est à la tête d’un groupe de femmes de la localité d’Alimbongo. Elles se sont organisées pour assurer leur sécurité dans des champs, afin de prévenir des cas de viols, d’exploitations et d’abus sexuels dont certaines d’entre elles ont été victimes. 

"Désormais, aucune femme ne peut se rendre seule au champ, nous allons en groupe de cinq, six, même dix. Là, on est au moins stable et en sécurité au champ quand on est en groupe. Les femmes ont peur d’être violées et d’être abusées au champ. Avant la guerre, chacune allait seule et passait toute la journée en train de cultiver. Mais ce n’est plus possible de nos jours."

À quelques kilomètres de là, de l’autre côté de la zone neutre, se trouve la localité de Kaseghe. Elle est la dernière localité du territoire de Lubero tombée sous le contrôle de la rébellion du M23, en juillet 2024. Ici, les femmes paysannes, elles, ont dû suspendre les activités champêtres. Dans ce village, la peur d’être violée au champ s’est ajoutée à l’incertitude quotidienne qui règne au sein des populations vivant désormais sous le règne du mouvement du 23 mars.Ces femmes témoignent sous anonymat.

Les viols et violations attribués aux groupes armés sont quasi quotidiens dans l'est de la RDC Image : picture-alliance/Yannick Tylle

"Nous, on ne va plus aux champs, celles qui prennent le risque d’y aller les croisent là-bas, ils violent les femmes, beaucoup sont hospitalisées ici, voilà pourquoi on a peur. On va mourir de faim. Des hommes armés ont déjà érigé leurs camps dans nos champs, ils ont pillé nos récoltes. On ne peut plus y aller seul et s’exposer à beaucoup de risques".

Les inquiètudes des organisations indépendantes

Le récent rapport de l'organisation Caritas du diocèse de Butembo-Beni au Nord-Kivu a alerté sur les multiples cas de violences sexuelles dans cette zone à la suite de la sur-militarisation. Mais, dénonce Caritas, "les victimes ne sont pas prises en charge », l'organisation regrette aussi « qu’en l’absence des acteurs humanitaires, les femmes et les filles sont exposées aux violences basées sur le genre, avec une moyenne de 5 cas par semaine, dans chaque structure sanitaire locale".
 
Les organisations féminines de Lubero s'inquiètent ainsi de la hausse des cas de violences sexuelles dans ces villages depuis les offensives du M23. Jocelyne Nzenze est porte-parole du mouvement "Rien sans les femmes" en territoire de Lubero.

"Vous savez, nous avons le M23 d’un côté, nous avons des FARDC aussi, des jeunes volontaires de l’autre côté. Alors, dans ces zones, nous observons des cas de violences sexuelles faites à la femme, voire même des enfants de moins de dix ans, avec le risque de la hausse de cas de VIH ainsi que d’autres infections sexuellement transmissibles. La zone de santé d’Alimbongo est la plus touchée. Nous regrettons l’absence dans cette zone des humanitaires pour accompagner ces femmes victimes. Nous regrettons aussi que certaines femmes ont peur de dénoncer."

Le contexte sécuritaire du Nord-Kivu empêche, en fait, de nombreuses femmes de dénoncer des cas d’abus et d’exploitations sexuelles dont elles sont victimes. Craignant pour leur sécurité physique, ces femmes préfèrent garder le silence plutôt que de dénoncer ou de s’orienter vers les structures de prise en charge. 

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