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Rencontre avec une survivante du massacre de Conakry

Bangaly Condé
27 septembre 2019

Dix ans après le massacre du stade de Conakry ayant fait plus de 150 morts, les Guinéens se souviennent. Témoignages.

Guinea Beisetzung Opfer Conakry Massaker 2009
Image : Seyllou/AFP/Getty Images

"J'étais en larmes"...écoutez le témoignage d'Aïssatou Barry.

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Malgré l'opposition de ses parents ce jour-là, Aïssatou Barry s'était rendue à la manifestation du 28 septembre 2009 au stade de Conakry pour s'opposer à la candidature de Moussa Dadis Camara. Elle finira par être battue et blessée par les militaires. 

Dix ans après, on retrouve Aïssatou Barry au siège de l'Association des victimes et amis du 28 septembre (AVIPA).  Avec des mots simples, Aïssatou Barry explique son arrivée au stade du 28 septembre. Elle s’y était rendue sans autorisation de ses parents.

"Je me suis levée tôt le matin car ma famille ne voulait pas que j’y aille. Mais je voulais à tout prix défendre la démocratie. D'habitude je porte un pantalon mais ce jour-là j'ai été obligée de prendre une chemise et me voiler pour montrer à mes parents que je ne partais pas."

Une fois au stade, elle cherche à rejoindre ses amis. Soudain, des tirs éclatent.

Des portes infranchissables

Les manifestants croient d’abord à des tirs de sommation destinés à les éloigner. Mais quelques minutes après la situation tourne au drame :

"Quand les militaires ont commencé à tirer, nous applaudissions en criant 'Oh woulé' ('vous mentez' en langue soussou, ndlr). Mais ensuite, on a vu les gens courir. Nous avons rebroussé chemin mais les portes étaient fermées et électrifiées. C’est là que j’ai reçu un coup de couteau."

Les militaires tirent à bout portant, ils frappent, violent et électrisent même une des portes du stade pour empêcher les manifestants de sortir.

Six organisations guinéennes et internationales dénoncent l'inaction de la justice et réclament enfin l'ouverture d'un procès.Image : SEYLLOU/AFP/Getty Images

Aïssatou Barry explique que les militaires ont pourchassé les manifestants jusqu'à l'extérieur du stade. Un  jeune homme est mort sous ses yeux, au passage d’un véhicule militaire.

"J’ai regardé le jeune et il disait 'bé warilan', 'ils m’ont tué'. J’ai ensuite fait quelques pas puis je suis revenue. J’ai pris son téléphone et j'ai appelé le dernier numéro et demandé à la personne au bout du fil si elle connaissait le propriétaire du téléphone. Celle-ci m’a répondu par l’affirmative, je lui ai alors dit d’aller le chercher à la morgue. J'étais en larmes. »

Que justice soit faite

Aujourd'hui, Aïssatou Barry ne veut plus retourner au stade de Conakry car elle ne veut plus revoir le lieu du massacre.

"Les mots me manquent pour décrire ma peine. En tout cas ça me rappelle des choses très tristes. Je ne vais plus jamais aller au stade, quoi qu'il arrive, je n'y mettrai plus jamais les pieds."

Aujourd'hui, elle réclame que justice soit faite mais avec les années qui passent, elle dit perdre de plus en plus espoir que cela arrive un jour.

"Qu’ils jugent ceux qui nous ont fait du mal. Je demande à la  communauté nationale et internationale de nous aider à bénéficier de la justice. Seule la justice peut nous apaiser. Nous attendons cela depuis dix ans et notre espoir s'est réduit."

Aïssatou Barry confie qu’elle vit toujours avec les séquelles des atrocités vécues en 2009 au stade de Conakry. Aujourd’hui encore, elle est suivie par un psychologue pour l'aider à surmonter ce traumatisme.

"J'étais en larmes"...écoutez le témoignage d'Aïssatou Barry.

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