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RSF porte plainte contre le prince héritier saoudien

Sandrine Blanchard | Avec agences
3 mars 2021

Reporters sans frontières a déposé une plainte en Allemagne contre Mohammed ben Salmane, le prince héritier d'Arabie saoudite, pour son rôle dans la mort du journaliste Jamal Khashoggi.

Mohammed ben Salmane (MBS) visé par une plainte de RSF pour "crimes contre l'humanité"
Mohammed ben Salmane (MBS) visé par une plainte de RSF pour "crimes contre l'humanité"Image : Xinhua/imago images

Reporters sans frontières a déposé une plainte inédite contre Mohammed ben Salmane, le prince héritier d'Arabie saoudite, pour crimes contre l'humanité.

L'ONG veut connaître la vérité sur la "responsabilité" du prince dans l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, au consulat d'Istanbul.

RSF estime que le prince héritier aurait commandité l'assassinat du chroniqueur du Washington Post et lui reproche d'avoir ordonné l'emprisonnement d'une trentaine d'autres journalistes.

Démanteler le commando qui a torturé et tué Khashoggi

Quatre hauts responsables saoudiens sont également visés par la plainte de l'ONG : son ancien "proche conseiller" Saoud al-Qahtani, l'"ancien directeur adjoint du renseignement" Ahmed al-Assiri, mais aussi Mohammed Al-Otaibi, ancien consul général à Istanbul, et Maher Mutreb, "officier du renseignement" à la tête de "l'équipe qui a torturé et tué" le journaliste Khashoggi.

Jamal KhashoggiImage : Espresso

Des crimes multiples

Dans son document, Reporters sans frontières détaille les exactions dont ont été victimes 34 journalistes emprisonnés entre 2011 et 2019. 33 d'entre eux sont toujours derrière les verrous.

L'un des plus célèbres à l'étranger est le blogueur Raif Badawi, condamné en 2014 à 1.000 coups de fouet et 10 ans de prison pour "insulte" à l'islam.

Raef Badaoui, symbole de l'oppression en Arabie Saoudite

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RSF dénonce la "violence", des actes de "torture", de "disparition forcée" et "privation illégale de liberté physique" et même de "coercition sexuelle".

Pourquoi en Allemagne ?

RSF a déposé sa plainte "auprès du procureur général de la Cour fédérale de justice de Karlsruhe", en raison de sa compétence "sur les principaux crimes internationaux", c'est-à-dire sa compétence universelle.

La semaine dernière, la justice allemande a ainsi condamné un ancien agent du régime syrien de Bachar al-Assad pour "complicité de crimes contre l'humanité".

RSF souligne également que l'Allemagne a appelé régulièrement à ce que justice soit faite dans les affaires Khashoggi et Badawi.

Raif Badawi, emprisonné depuis des années pour avoir défendu la liberté d'expression Image : picture alliance/dpa

L'ONG espère qu'une enquête sera ouverte et des mandats d'arrêt émis.

Une chance de "changer la donne"

Christophe Deloire, le secrétaire général de de RSF, a précisé lors d'une visioconférence : "C'est la première fois que des accusations de crimes contre l'humanité sont portées contre les plus hautes autorités d'Arabie saoudite pour leur traitement des journalistes".

Pour Rebecca Vincent, chargée de campagne chez RSF, cette plainte pourrait, si elle aboutit "changer la donne" : "Cette persécution généralisée et systématique des journalistes constitue des crimes contre l'humanité et il faut que leurs auteurs rendent des comptes", a-t-elle ainsi expliqué au micro de la DW. "Si nous sommes entendus, cela pourrait changer totalement la donne. Cela enverrait un signal à l'Arabie Saoudite et... dans d'autres parties du monde où des crimes similaires sont commis contre des journalistes, pour leur dire que le monde ne tolère pas ces actes et que même s'ils échappent à la justice dans leur propre pays, on trouvera d'autres moyens de faire rendre des comptes."

Agnès Callamard, rapporteuse spéciale de l'OnuImage : Elif Ozturk/AA/picture alliance

Réaction de l'Onu

La fiancée de Jamal Khashoggi, la Turque Hatice Cengiz, salue la démarche de RSF. Elle a réitéré son appel à "punir" Mohammed ben Salmane.

La rapporteuse spéciale de l'Onu sur les exécutions sommaires, Agnès Callamard, y voit quant à elle une "étape fondamentale" et une opportunité de "repousser les limites de la justice internationale".

Au classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF, l'Arabie saoudite occupe la 170e place sur 180 Etats, et la deuxième place en nombre de journalistes détenus, derrière la Chine et devant l'Egypte.

 

 

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