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PolitiqueRussie

Un "visa anti-woke" russe pour les émigrants occidentaux

11 juillet 2025

Le "visa des valeurs partagées" russe est destiné aux ressortissants des pays occidentaux qui adhèrent à des valeurs conservatrices.

La ville de Moscou en 2024
La Russie ouvre ses portes à des occidentaux ayant un profil particulierImage : Sergei Bulkin/TASS/dpa/picture alliance

Le "visa des valeurs partagées", ou "visa anti-woke", est un permis de séjour temporaire destiné aux personnes adhérant à une certaine vision des valeurs traditionnelles russes, celle de la Russie de Vladimir Poutine. Ce visa a été introduit en août 2024 par Moscou  et est destiné aux ressortissants de certains pays, notamment les Etats-Unis, le Royaume-Uni et les pays de l'Union européenne.

Russell a réussi ! Cet Australien a obtenu le "visa des valeurs partagées" en Russie. Il en a parlé sur sa chaîne YouTube "Travelling with Russell". Face caméra, Russell a expliqué avoir maintenant trois ans pour vivre en Russie, trouver un emploi et s'installer. Ce visa est renouvelable.

Sept semaines après sa diffusion, la vidéo a été visionnée par environ 45.000 personnes.

Russell n'est pas le seul à souhaiter vivre en Russie. Sur les réseaux sociaux, d'autres Occidentaux vivent en Russie ou envisagent de s'y installer et en parlent.

Ils perçoivent l'évolution de la situation dans leur pays d'origine, notamment en matière de famille, de religion, de communauté LGBTQ+ et de migration, comme trop libérale, et la perspective d'une société plus conservatrice les séduit.

L'Australien Russell a obtenu le "visa des valeurs partagées" et va donc s'installer en RussieImage : Reisen mit Russell/YouTube

Un visa "aide humanitaire"

Le permis de séjour russe, que certains appellent également "visa anti-woke ", s'adresse précisément à ce groupe de personnes.

"Woke" signifie politiquement engagé dans la lutte contre le racisme, le sexisme et la discrimination sociale. Le "visa des valeurs partagées" a été instauré par décret du président Vladimir Poutine, en août 2024.

Il stipule que ce visa sert à "apporter une aide humanitaire aux personnes partageant les valeurs spirituelles et morales traditionnelles russes".

Les citoyens ou résidents permanents des pays européens, des Etats-Unis, de l'Australie, du Japon et de d'autres pays peuvent demander ce visa. Ils n'ont pas besoin de prouver leur maîtrise du russe, leur connaissance de la culture ou des lois du pays.

Cependant, les demandeurs doivent déclarer leur désaccord avec les politiques de leur pays d'origine.

Selon la sociologue et spécialiste de la Russie, Katharina Bluhm, avec ce visa, il s'agit de montrer aux Russes que leur pays parvient à attirer les Occidentaux et à combler ce qui leur manque chez eux.

Et au monde occidental, la Russie envoie le message suivant, selon Katharina Bluhm : "Vous pouvez venir chez nous si tout cela vous dérange tant. Nous représentons une Europe meilleure, l'Europe du patriotisme, des valeurs traditionnelles et des rôles de genre qui n'existent plus ailleurs."

La Russie voudrait ainsi montrer l'image "d'un pays sûr pour les familles chrétiennes traditionnelles".

La Russie voudrait montrer l'image "d'un pays sûr pour les familles chrétiennes traditionnelles"Image : Darek Delmanowicz/PAP/dpa/picture alliance

Résoudre la question de la démographie russe

Mais au-delà du symbolisme, l'experte évoque aussi les graves défis démographiques de la Russie. La population russe diminue depuis des années et, malgré les subventions gouvernementales, le taux de natalité est faible.Par ailleurs la guerre menée par la Russie en Ukraine a entraîné de lourdes pertes.

Katharina Bluhm situe également le "visa des valeurs partagées" dans le contexte de la propagande russe. Par exemple, le magazine en ligne Important Stories a rapporté, en mars, que la chaîne de télévision russe RT, interdite dans de nombreux pays occidentaux, finance des vidéos sur les réseaux sociaux dans lesquelles des étrangers exilés louent la Russie et critiquent l'Occident.

Les plateformes qui prennent en charge les demandes de visa vantent également certains avantages hypothétiques. Russianresidency.org, par exemple, souligne les faibles impôts, la gratuité de l'éducation, la qualité des soins de santé et le faible coût de la vie.

Selon une porte-parole du ministère russe de l'Intérieur, 1.156 personnes, dont un grand nombre d'Allemands (224), auraient déposé une demande de ce " visa des valeurs partagées " en mai, neuf mois après son introduction.