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CIJ et CPI s'emparent de la guerre en Ukraine

Bernd Riegert | Konstanze Fischer
7 mars 2022

Deux tribunaux internationaux se penchent désormais sur la guerre menée par les dirigeants russes contre l'Ukraine : la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale.

Vladimir Poutine devant la CPI ? Une possibilité que beaucoup aimeraient voir se réaliser comme ici à Berlin, lors d'une manifestation en faveur de l'Ukraine (6.3.2022)
Vladimir Poutine devant la CPI ? Une possibilité que beaucoup aimeraient voir se réaliser comme ici à Berlin, lors d'une manifestation en faveur de l'Ukraine (6.3.2022)Image : John Macdougall/AFP

Le 26 février dernier, soit deux jours après le début de l'offensive militaire russe sur l'Ukraine, Kiev a déposé une requête devant la Cour internationale de justice, principal organe judiciaire des Nations Unies, accusant Moscou de planifier des actes de génocide en Ukraine. C'est cette requête qui est examinée aujourd'hui et demain (7 et 8 mars 2022) par la CIJ. 

Sans aller jusqu'à parler de génocide, Claudia Major de l'Institut allemand pour les relations internationales et la sécurité, disait hier (06.03.2022) la chose suivante à nos confrères de l'ARD : "si nous considérons la détermination avec laquelle la Russie agit en ce moment en Ukraine, nous devons nous préparer à ce que cela devienne encore nettement plus brutal et nettement plus impitoyable dans les jours à venir"

La Russie a refusé de comparaître ce lundi lors de l'ouverture des audiences devant la CIJ. Une décision que la Cour a déploré.Image : Sandra Uittenbogaart/ANP/imago images

A cet égard, on peut citer le bombardement de la ville d'Irpin, au nord de Kiev, où l'armée russe a visé sans discernement des zones résidentielles, en violation du droit international.

D'où la priorité de la requête ukrainienne : que la CIJ ordonne d'abord à Moscou d'arrêter son invasion avant de se pencher sur le fond de l'affaire - ce qui pourrait prendre des années.

La CIJ compétente ? 

Créée en 1946 pour régler les disputes entre les Etats, la CIJ émet des jugements contraignants et sans appel. Mais elle n'a aucun moyen coercitif pour les faire respecter. Et au bout de ces deux jours d'audience, il faut d'abord qu'elle décide si elle est compétente pour traiter ce conflit.

La Russie conteste, elle, d'ores et déjà cette compétence. Ou plutôt elle résout l'équation ainsi : Moscou ne commet pas de génocide. Donc un tribunal ne peut pas se prononcer sur un sujet qui n'existe pas.

Cela dit, la procédure devant la CIJ pourrait pousser d'autres tribunaux nationaux et internationaux à se pencher sur le dossier. Kiev a déjà saisi la Cour européenne des droits de l'homme pour violation des droits humains.

La CPI a déjà envoyé des enquêteurs 

La Cour pénale internationale a elle lancé une enquête la semaine dernière pour déterminer si le chef du Kremlin ou d'autres dirigeants russes sont responsables de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité en Ukraine.

Une procédure soutenue formellement par 38 pays, dont l'Allemagne - c'est important car cela permet au procureur britannique de mener immédiatement des investigations de grande envergure, sans devoir passer par une chambre supplémentaire.

'Nous devons parvenir à la vérité' (Karim Khan, procureur de la CPI) - MP3-Stereo

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A la différence de la CIJ qui juge des Etats, la CPI se penche, elle, sur la culpabilité de personnes individuelles.

Dans une interview accordée à l'agence Reuters le 3 mars, Karim Khan, le procureur de la CPI, a  confirmé que des enquêteurs étaient en route pour l'Ukraine. Et il a rappelé que "le droit de la guerre continue de s'appliquer et notre juridiction est claire. Il s'agit de rappeler à toutes les factions, à toutes les parties en conflit, qu'elles doivent se comporter conformément aux lois de la guerre. Nous nous devons de mener des enquêtes crédibles et neutres. Nous devons parvenir à la vérité."

La loi, rappelle aussi Karim Khan, s'appliquera avec la même vigueur pour tout le monde.

Précision : Le fait que la Russie se soit retirée de la CPI pourrait toutefois poser problème pour la suite de la procédure puisque seuls les États contractants sont tenus de coopérer.

Ainsi, la CPI ne peut pas poursuivre Vladimir Poutine en Russie. Il pourrait en revanche être arrêté sur le territoire d'un Etat qui reconnaît la compétence de la juridiction internationale. Ou, si le président russe était renversé par l'opposition - celle-ci pourrait alors le transférer à la Haye.

C'est ce qui est arrivé il n'y a pas si longtemps avec l'ancien président soudanais, Omar el-Béchir. Enfin, une autre option envisageable serait la création, par l'Onu, d'un tribunal spécial comme ce fut le cas pour le Rwanda. Mais dans le cas de la Russie, cela pourrait échouer en raison de son droit de véto au Conseil de sécurité.

Quant à l'Ukraine, elle n'a pas non plus signé le Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI. Elle a en revanche officiellement reconnu la compétence de la cour pour les crimes commis sur son territoire