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Les Eglises dans le viseur de Paul Kagame au Rwanda

Sandrine Blanchard | Chrispin Mwakideu
19 novembre 2024

Le président rwandais Paul Kagame souhaite réguler et taxer les Eglises présentes au Rwanda, tout en renforçant leur contrôle par les autorités.

A Nyamata, la façade extérieure d'une église (illustration)
90% des Rwandais se disaient chrétiens en 2022Image : Bildagentur-online/Hermes Images - AGF/picture alliance

Au Rwanda, le président Paul Kagame accuse certaines Eglises de soutirer de l'argent aux plus pauvres. Les autorités ont donc décidé de fermer des centaines d'églises pour non-respect des règles de sécurité. Ce n'est pas la première fois que les autorités rwandaises agissent de la sorte. Dans leur viseur : certaines Eglises pentecôtistes que le gouvernement voudrait taxer. 

Des abus et des irrégularités

Lors du recensement de 2022, 90% des Rwandais se déclaraient chrétiens. Les Eglises catholiques et protestantes comptent de nombreux adeptes, mais les Eglises pentecôtistes connaissent l'essor le plus important.

Le président Paul Kagame accuse certains pasteurs de profiter des quêtes pour s'enrichir sur le dos des fidèles. Le Conseil de gouvernance du Rwanda (RGB), une structure étatique, a été chargé de mettre de l'ordre dans les organisations religieuses.

Un projet de loi, qui devrait être bientôt examiné par le Parlement, prévoit notamment d'imposer aux prêtres d'avoir au moins un diplôme de licence pour pouvoir célébrer des offices. Il prévoit aussi d'introduire de nouvelles taxes sur les revenus des cultes.

Par le passé, le président rwandais a particulièrement visé les Eglises pentecôtistes venues des Etats-UnisImage : Ben Curtis/picture alliance/AP Photo

Problème d'application

Marie-Louise Uwimana, juriste et militante de la société civile, estime que ce projet de loi va trop loin, en visant les structures plutôt que les personnes qui commettent des abus en leur sein.

"Personnellement, je pense que l'offrande et la dîme dans les églises ne devraient pas être taxées parce que cet argent sert à faire le travail du Seigneur, comme payer les personnes qui travaillent pour l'Eglise et verser des indemnités aux pasteurs, estime Marie-Louise Uwimana. Il permet également d'acheter des équipements. […] Plutôt que de taxer les Eglises, le gouvernement devrait mettre en place des réglementations et des lois susceptibles de rationaliser ce secteur afin d'éviter que certains responsables religieux n'extorquent de l'argent à des fidèles sans méfiance."

Le RGB a déjà fermé près de 8.000 églises et mosquées depuis le début de l'année, après les avoir évaluées sur le respect des standards de leurs infrastructures, les protocoles de sécurité et les pratiques de certains de leurs responsables.

Une première vague de fermeture avait déjà eu lieu en 2018 avec au moins 700 lieux de culte fermés.

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Museler les voix critiques

Le journaliste Ivan Mugisha craint que cette répression ne vise en réalité à limiter une nouvelle fois la liberté de culte et d'expression.

"Certains de ceux qui ont exprimé leur opinion ont été priés de se taire, rappelle-t-il, parce que vous savez que si vous dites quelque chose, votre église peut avoir des problèmes."

Charles Kamanzi, étudiant à Kigali, souligne aussi la différence de traitement des différents cultes. Il estime que "[…] l'idée peut donc être bonne, mais comment sera-t-elle mise en œuvre ? De même, taxer les églises signifie que le gouvernement n'a pas réussi à réglementer ces églises et qu'il s'agit donc d'un échec du côté du gouvernement. […] Certaines religions, par exemple l'Eglise catholique, ont beaucoup d'activités au Rwanda. Elles gèrent des écoles, des hôpitaux et d'autres projets d'intérêt public. Seront-elles également taxées ? Je pense que non. Cela entraîne donc une sorte d'inégalité en matière d'imposition. Comment cela se fera-t-il ? C'est très difficile à comprendre."

La Conférence épiscopale, qui représente l'Eglise catholique au Rwanda, n'a pas répondu aux sollicitations de la DW.