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Les rapatriements contestés de Rwandais par le M23

4 juin 2025

La rébellion de l'AFC-M23 a procédé au rapatriement de plus de 1.700 civils rwandais vers le Rwanda. Certains affirment avoir dû partir de RDC contre leur gré.

RDC | Des silhouettes de personnes déplacées dans le camp de Bushangara, au nord de Goma, devant des tentes du HCR (photo de janvier 2023)
Le HCR encadre normalement les rapatriements de réfugiés et s'assurent de ce que leur retour est volontaireImage : Guerchom Ndebo/AFP/Getty Images

Courant mai, la rébellion de l'AFC-M23 a procédé au rapatriement de plus de 1.700 civils rwandais vers le Rwanda. Les rebelles, qui contrôlent de grands pans de l'est de la République démocratique du Congo, affirmaient que le séjour de ces personnes en territoire congolais était illégal.

Le Rwanda a accueilli ces ressortissants de retour au pays, mais certains d'entre eux déclarent avoir été rapatriés contre leur gré, ce qui va à l'encontre des accords internationaux.  

Ecoutez l'analyse de Bram Verelst de l'ISS Africa

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Accords tripartites RDC, Rwanda, HCR

Des accords tripartites, passés entre la RDC, le Rwanda et le Haut-Commissariat de l'Onu aux réfugiés (HCR), encadrent le retour des réfugiés. Ceux-ci sont nombreux à avoir fui pendant et après le génocide de 1994 vers les pays voisins du Rwanda.

Eujin Byun, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, explique qu'"à leur arrivée au centre de transit, le HCR et ses partenaires effectuent l'enregistrement biométrique et le contrôle de protection pour confirmer l'identité, la nationalité et le statut des individus, ainsi que pour répondre à leurs besoins de protection."

Polémique autour de la remise de présumés FDLR au Rwanda

03:33

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Retour au village empêché

Mais au mois de mai, le M23 a procédé à l'arrestation et à l'expulsion de plus de 300 civils vers le Rwanda.

Ces familles vivaient pour la plupart dans le camp de déplacés de Saké et ont été empêchées de rentrer dans leur village (Karenga) lorsque le M23 s'est emparé de Goma, capitale du Nord-Kivu, au prétexte qu'elles étaient originaires d'une zone où une autre rébellion est toujours active, une rébellion hutue rwandaise, hostile aux autorités de Kigali : les FDLR.

Le M23 s'est emparé des cartes d'électeur congolaises de ces personnes et les a brûlées, clamant qu'elles étaient fausses et que ces gens étaient en réalité des Rwandais retenus contre leur gré ou embrigadés par les FDLR en RDC.

Le M23 démontre sa puissance en procédant à des arrestations et des expulsions de réfugiésImage : Hugh Kinsella Cunningham/Getty Images

Or cette démonstration de force du M23, qui montre qu'il peut décider d'expulser des civils du pays, sert aussi les intérêts de Paul Kagame, selon Bram Verelst, chercheur à l'Institut d'études et de sécurité (ISS Africa).

"L'existence de réfugiés rwandais ne correspond pas à l'image que le Rwanda veut présenter, d'un pays en paix, en sécurité, qui s'est reconstruit après le génocide, estime le chercheur au micro de la DW. La persistance de réfugiés pose problème au Rwanda et est une sorte de menace pour le Rwanda qui use de moyens de surveillance et de répression dans plusieurs pays, surtout sur le continent africain, mais aussi au sein de la diaspora en Europe et ailleurs. Ces réfugiés sont considérés comme un problème potentiel et un possible soutien à l'opposition politique ou armée [à Paul Kagame]."

Le recensement difficile des réfugiés rwandais

Le dénombrement et l'identification formelle des réfugiés rwandais dans l'est de la RDC sont difficiles. Plusieurs opérations d'enregistrement ont dû être suspendues. On estime qu'ils sont environ 200.000, mais le dernier recensement de 2018 n'en a décompté que 75.000. Bram Verelst y voit plusieurs raisons.

"Certains témoignages montrent que certains réfugiés rwandais sont satisfaits de pouvoir rentrer, mais d'autres disent que leur retour était forcé et que ce n'était pas leur choix. Ces retours sont complexes : certains veulent, mais ne peuvent pas, d'autres ne veulent pas. Ils n'ont pas tous les mêmes motivations. […] Beaucoup vivaient déjà dans des conditions difficiles en RDC, et [maintenant] beaucoup se cachent dans les villes de Goma et Bukavu à cause du M23."

Certains de ces réfugiés de deuxième ou troisième génération sont bien intégrés dans la vie congolaise et n'ont pas envie de rentrer. D'autres craignent les persécutions politiques ou judiciaires à leur retour.

Image : Zanem Zaidi/DW

Critiques du HCR

Quoiqu'il en soit, le HCR déplore les conditions des derniers rapatriements initiés par le M23, qui ne sont pas en accord avec le droit international.

Eujin Byun détaille que "pour le premier groupe de réfugiés qui s'est approché du centre de transit de Goma de manière indépendante, les procédures ont été suivies et ils ont officiellement demandé au HCR son assistance pour être rapatriés."

La porte-parole du HCR précise cependant que "pour ceux qui ont été amenés par la suite par une autorité de facto, le HCR a procédé à des contrôles sous la pression et nous avons reçu des indications selon lesquelles, pour certains, le retour n'était pas entièrement volontaire. Le HCR continue de plaider pour que tout retour soit plus sûr, digne et volontaire."

Qui soutient qui dans le conflit en RDC ?

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Le sort des mineurs préoccupe particulièrement l'agence onusienne. "La protection des enfants est un élément central [et] toutes les actions concernant les mineurs qui doivent être guidées par le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant", rappelle Eujine Byun. "Le HCR donne la priorité à l’unité familiale et veille à ce qu’aucun enfant ne soit rapatrié sans garanties appropriées".

Négociations de paix

Toutefois, le chercheur Bram Verelst regrette que le problème du retour et de la relocalisation des réfugiés rwandais ne soit quasiment pas abordé dans les négociations de paix actuelles entre la RDC et le Rwanda.

Le chercheur estime qu'il n'y aura pas de solution à long terme pour ces centaines de milliers de personnes tant que Kigali restera focalisé sur la neutralisation des FDLR, sans prendre en compte les destins individuels des familles concernées. 

Camps de réinsertion

Depuis plusieurs années, le Rwanda a mis en place des camps de réinsertion pour ses rapatriés. A leur retour, certains passent quelques semaines dans des structures telles que le Centre de démobilisation et de réintégration de Mutobo, dans le district de Musanze. Ils sont censés y être formés pour abandonner leur "idéologie" considérée comme nuisible au profit d’un engouement patriotique.

Ils reçoivent, en échange de leur promesse de soutien au développement de leur pays, une petite somme d’argent pour démarrer leur nouvelle vie au Rwanda.