Moscou renforce discrètement sa présence militaire au Sahel
10 juin 2025
Une enquête de l’Associated Press (AP), appuyée par des images satellites et des données de suivi maritime, révèle que des cargos russes, bien que visés par des sanctions occidentales, livrent discrètement des armes lourdes à plusieurs pays de la région, notamment le Mali.
Dans un contexte de retrait progressif des troupes françaises et américaines, la Russie exploite un vide sécuritaire pour s’imposer comme partenaire stratégique. À travers l’Africa Corps, une force secrète affiliée au Kremlin, elle fournit un soutien militaire direct aux juntes issues des récents coups d’État au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Une initiative qui inquiète les chancelleries occidentales : l’Union européenne dénonce une menace croissante pour la démocratie et la stabilité régionale.
Pour Gilles Yabi, analyste et fondateur du WATHI, si les armes sont justifiées pour lutter contre le terrorisme, elles peuvent aussi renforcer les pouvoirs autoritaires.
« Ils se servent du renforcement de leur capacité pour museler toute opposition et contrôler totalement le pouvoir… Et c’est ça, le danger. »
En mai dernier, deux navires russes, le Baltic Leader et le Patria, ont accosté au port de Conakry, en Guinée, pour y décharger des tanks, obusiers, véhicules blindés et équipements de guerre électronique. Une partie de ce matériel a ensuite été acheminée vers le Mali, où les forces maliennes, soutenues par la Russie, combattent des groupes djihadistes liés à Al-Qaïda et à l’État islamique.
Le rôle de Conakry
Le choix de Conakry comme porte d’entrée n’étonne pas Seidik Abba, spécialiste du Sahel et président du CIRES :
"La Russie et la Guinée entretiennent de bonnes relations depuis longtemps. Il y a toujours eu des livraisons via la Syrie, puis la Libye, mais aujourd’hui, l’ampleur."
L’Africa Corps, dirigé par le général-major Andrey Averyanov, chef de l’unité 29155 du renseignement militaire russe (GRU), reprend progressivement les missions jadis assurées par les mercenaires de Wagner, affaiblis depuis la rébellion de 2023 et la mort de leur chef, Evgueni Prigojine. Des sources indiquent que la Russie offre jusqu’à 26 500 dollars de prime pour recruter de nouveaux combattants.
L’arrivée d’armements de plus en plus sophistiqués pourrait également répondre aux revers militaires subis récemment, comme l’attaque meurtrière de juin menée par le JNIM contre une base malienne.
Fait marquant : la dernière livraison de matériel a été escortée par la frégate de guerre russe Boykiy, signe d’une militarisation croissante de l’opération. Le convoi comprenait également un troisième cargo, le Siyanie Severa, qui a poursuivi sa route vers la Guinée équatoriale, proche de la Centrafrique, autre bastion de l’influence russe sur le continent.