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Vers un État parallèle au Sahel ?

23 juillet 2025

Au Sahel, les groupes djihadistes semblent opérer un changement stratégique et aspirer à la mise en place d'un État parallèle au Mali, au Burkina Faso et au Niger.

Mali Kidal | des combattants de la CMA dans une voiture à Kidal
Selon les experts, les djihadistes ne se limitent plus à la guérilla dans les campagnesImage : SOULEYMANE AG ANARA/AFP/Getty Images

Le 1er juin dernier, les djihadistes lancent une attaque sur la ville de Boulkessi, dans la région de Douentza, près de la frontière avec le Burkina Faso. Cette attaque viendra s'ajouter à une série d'autres menées par le Jnim contre des postes militaires et des villes au Mali, au Burkina Faso et au Niger en mai et juin.

Les attaques de Djibo et Diapaga au Burkina Faso, en mai dernier, qui ont duré plusieurs jours, représenteraient ainsi un nouveau niveau d'escalade.

Début juillet des djihadistes ont attaqué des positions de l'armée dans sept localités de l'ouest du Mali (la grande ville de Kayes, Nioro du Sahel, Niono, Molodo, Sandaré, Gogui et Diboli), marquant une nouvelle série d'offensives d'ampleur.

Pour certains experts, cela témoigne d'un changement stratégique des djihadistes qui ne se limitent plus à la guérilla dans les campagnes, mais chercheraient désormais à contrôler les zones entourant les centres urbains et asseoir leur domination politique au Sahel.

 "Sans foi ni loi"

Le Sahel, une région dans laquelle, les deux principales organisations djihadistes actives sont l'État islamique au Sahara, l'EIS, affilié à l'État islamique, et le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM ou Jnim), affilié à Al-Qaïda.

Les tactiques de ce dernier seraient devenues de plus en plus sophistiquées, avec l'utilisation d'armes antiaériennes, ainsi que des drones, pour la surveillance et les frappes de précision. Avec des combattants estimés à 6 000 ou 7 000, ce groupe aurait collecté des fonds importants grâce à des raids, des vols de bétail, des enlèvements et la collecte d'impôts.

Au Mali, plusieurs centres urbains sont actuellement assiégés ou menacés par des groupes djihadistes qui perturbent leur sécurité et leur approvisionnement. Il s'agit par exemple des villes comme Léré ou Kidal, ou encore des zones comme celle de Tombouctou.

Les tactiques des djihadistes seraient désormais de plus en plus sophistiquéesImage : ROMARIC OLLO HIEN/AFP/Getty Images

Pour l'universitaire malien Drissa Kanambaye, les groupes armés qui sont actifs au Sahel sont composés de "gens qui sont sans foi ni loi, ils ne font que terroriser. Ils n'ont pas de revendication claire. Ces gens n'ont pas de projet de société. Leur but, c'est seulement tuer au nom de l'islam". 

Selon les données de l'organisme de surveillance américain Acled, plus de 850 personnes ont été tuées ces derniers mois lors d'attaques du Jnim au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Le groupe a instauré un impôt spécial, la "Zakat", dans les zones qu'il contrôle. Il exige le port du voile pour les femmes et celui de la barbe pour les hommes.

Pour comprendre la stratégie de ce groupe armé, il faut mieux connaître celui qui le dirige. Il s'agit de lyad Ag Ghaly, auparavant à la tête du groupe fondamentaliste Ansar Dine, qui a brièvement occupé le nord du Mali et imposé la charia islamique.

Il est recherché pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Son objectif serait d'instaurer un régime islamique dans toute la région du Sahel et d'étendre son influence sur les États côtiers d'Afrique de l'Ouest.

Une stratégie de contrôle de territoire

Dans une interview qu'il a récemment accordée à la DW le sociologue Mohamed Amara rappelait le profil plutôt atypique de Iyad Ag Ghaly, mais aussi le fait que le Jnim a tendance à adopter une approche plus communautaire, alors que l'EIS utilise une violence plus directe et plus brutale.

"L'objectif principal, c'est d'arriver à asseoir une vision du monde, une vision de la société, pour faire en sorte que les populations, petit à petit, adhèrent à leur combat", avait-il expliqué.

Les soldats tentent tant bien que mal de faire face aux groupes terroristes au SahelImage : KENZO TRIBOUILLARD/AFP/Getty Images

Selon lui "les récentes attaques dans l'ouest du Mali, à Kayes, Sangaré..." s'inscriraient dans cette logique. Il y aurait donc cette stratégie de contrôle de territoire avec "un soutien tacite ou pas du Front de soutien de l'Azawad pour gagner du territoire, mais aussi mettre la pression sur les forces armés maliennes".

 L'expert précise par ailleurs que "surtout avec les récentes attaques de Kayes, très proche du Sénégal...cela en dit long sur les stratégies d'imposition et de contrôle du Jnim et cette stratégie consiste à redéfinir les rapports de force".

Selon un rapport de l'Institut d'études de sécurité, publié le 17 juin, si les groupes armés se renforcent, ils ne disposent toutefois pas, pour le moment, de la puissance de feu ou de la logistique nécessaire pour assiéger et occuper, de façon prolongée, des villes de la taille de Bamako, Ouagadougou ou Niamey.

Mais certains experts n'écartent pas la possibilité que ces groupes continuent à se rapprocher de plus en plus des centres urbains.