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La traite des êtres humains est quotidienne en Allemagne

19 octobre 2024

L'Institut allemand des droits humains a présenté la première enquête complète sur ce fléau. Conclusion : de grandes lacunes exitent dans la lutte.

Des policiers emmènent un homme soupçonné de ne pas avoir de titre de séjour valable pour l'Allemagne lors d'une descente de police pour trafic de migrants à Mannheim
Nous voulons que les coupables répondent de leurs actes, que leurs réseaux soient démantelés et que les victimes soient protégées, a indiqué la ministre de la FamilleImage : Andreas Arnold/dpa/picture alliance

Chaque jour, trois cas de traite des êtres humains sont constatés en Allemagne. C'est ce qui ressort du premier rapport complet sur la traite des êtres humains en Allemagne, que l'Institut allemand des droits de l'homme a présenté à l’occasion de la Journée européenne contre la traite des êtres humains de ce vendredi à Berlin.

L'Institut a, selon ses propres indications, "pour la première fois regroupé et évalué toutes les données disponibles des autorités fédérales et régionales ainsi que des organisations de la société civile" sur la traite des êtres humains. L'étude porte sur la période allant de 2020 à 2022. 

"La traite des êtres humains a lieu tous les jours en Allemagne, par exemple dans les soins, le ménage, la prostitution, l'agriculture, l'industrie de transformation de la viande ou le bâtiment", a déclaré la directrice de l'Institut, Beate Rudolf.

Malgré la diversité des secteurs, "ils nécessitent beaucoup de personnel et n'exigent ni qualifications spéciales ni connaissances linguistiques".

L’Institut poursuit : "les employés de ces secteurs travaillent plus longtemps que le temps de travail autorisé par la loi, ne sont pas ou peu payés, sont mal logés, subissent des violences physiques ou psychologiques et sont contraints de rester dans ces conditions"

L'exploitation par la mendicité, la commission de délits ou le prélèvement d'organes sont tout aussi fréquents que les mariages forcés, les adoptions illégales et la maternité de substitution. Les Allemands comme les migrants sont concernés. De nombreuses personnes concernées restent cachées parce qu'elles ont honte, sont menacées ou craignent représailles. 

La directrice de l'Institut, Beate Rudolf, présente le rapport à BerlinImage : Frederic Kern/Geisler-Fotopress/picture alliance

Les femmes sont les plus touchées

Selon l'enquête, 3 155 victimes de la traite des êtres humains ont été identifiées par les autorités d'enquête au cours des trois années étudiées.

Deux tiers des personnes concernées étaient des femmes, plus d'un quart des victimes étaient mineures.

Dans le domaine de l'exploitation sexuelle, plus de 90 % des personnes concernées sont des femmes, dans le domaine de l'exploitation du travail, plus de la moitié sont des hommes. Parallèlement, 3 704 personnes "soupçonnées de traite ou d'exploitation d'êtres humains" se sont rendues dans des centres de consultation correspondants.

Selon le rapport de l'Institut, entre 2020 et 2022, plus de deux mille suspects ont été identifiés dans le pays, mais seulement 509 personnes ont été condamnées.

D’après les experts, il y a trop d'obstacles à l'application de l'article du code pénal sur la traite des êtres humains. Les personnes concernées devraient en outre avoir la possibilité de s'adresser à des enquêteurs sans devoir elles-mêmes s'attendre à une sanction. 

Plus de protection et de droits sont nécessaires

De l'avis de l'Institut, les victimes de la traite des êtres humains devraient bénéficier de plus de protection et de droits.

Ainsi, des hébergements de protection pour les personnes concernées sont nécessaires sur l'ensemble du territoire. Jusqu'à présent, seuls huit Etats-régions ont financé de tels hébergements spéciaux. En outre, les personnes concernées devraient se voir accorder un droit de séjour, indépendamment de leur volonté de coopérer dans le cadre de procédures pénales, et elles devraient avoir accès sans obstacle aux prestations sociales.

Le plan d'action viserait également à assurer l'efficacité des poursuites judiciaires, notamment en intensifiant la coopération entre l'Etat fédéral et les Etats-régionsImage : Andreas Arnold/dpa/picture alliance

Le premier centre de conseil pour les mineurs victimes de la traite des êtres humains vient d'ouvrir à Berlin. Sur la base de l'expérience de la capitale, tous les Etats-régions devraient envisager la mise en place d'un tel service, estiment les experts.

Lors de la présentation de l'enquête, il est prévu d’examiner à l'avenir tous les deux ans comment l'Allemagne progresse dans la lutte contre la traite des êtres humains et si elle parvient mieux qu'aujourd'hui à protéger les personnes concernées et à sauvegarder leurs droits. 

Le gouvernement fédéral s'est engagé à se pencher sur la question. Il entend adopter au printemps 2025 "le premier plan d'action national global contre la traite des êtres humains", ont indiqué plusieurs ministères. "Il comprend un grand nombre de mesures de lutte contre la traite des êtres humains, allant de la prévention et de la répression au soutien des personnes concernées et à la coopération au niveau international."