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Les tensions au Sénégal inquiètent en Afrique de l'Ouest

Katrin Gänsler | Fréjus Quenum
13 février 2024

La tension provoquée par le report de la présidentielle suscite de la nervosité dans la sous-région. Une délégation de la Cédéao séjourne dans le pays.

Un manifestant sénégalais fait un geste tandis que d'autres sont filmés lors d'affrontements avec la police anti-émeute alors qu'ils protestent contre le report de l'élection présidentielle (09.02.2024)
Les manifestants ne décolèrent pas depuis le report de la présidentielle au 15 décembre Image : Zohra Bensemra/REUTERS

Nouvelle journée d'incertitude au Sénégal. Un collectif baptisé "Aar Sunu Election", qui signifie "Protégeons notre élection", appelle à une manifestation mardi (13.02.2024) après-midi à Dakar. L'organisation assure réunir une quarantaine de groupes citoyens et religieux et d'organisations professionnelles. De nombreux acteurs politiques ont aussi dit leur intention d'être présents à cette manifestation. "Aar Sunu Election" entend protester contre le report du scrutin présidentiel

Mais l’un des organisateurs, Elymane Haby Kane, a confirmé avoir reçu un courrier de la préfecture de Dakar interdisant la marche en raison d’un "risque de perturber gravement la circulation".   "Nous allons reporter la marche car nous voulons rester dans la légalité. La marche a été interdite. C'est un problème d'itinéraire. Donc nous allons changer cela", a dit Malick Diop, un coordinateur du collectif qui a appelé à manifester.

Comme pour prévenir de nouvelles violences, une délégation est arrivée à Dakar depuis quelques jours. Elle est chargée d'une mission diplomatique de trois jours. La délégation est conduite par le président du parlement de la Cédéao, Siddie Mohamed Tunis, et d'autres députés du bloc sous-régional. Des contacts sont annoncés avec des acteurs politiques et de la société civile.

"Il y a eu beaucoup d’affaires de cellules dormantes du terrorisme au Sénégal" (Pape Ibrahima Kane)

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Sous-région fragilisée

La Cédéao descend au chevet du Sénégal car une dégradation de la situation pourrait avoir de lourdes conséquences dans une sous-région déjà fragilisée par le terrorisme et l'instabilité politique.

Le Sénégal est dans le voisinage immédiat du Mali, où des groupes djihadistes sont actifs, comme au Burkina Faso et au Niger.

Si jusqu'ici, le Sénégal est resté épargné, l'analyste Pape Ibrahima Kane se demande si cette exception va durer.

"Ces deux ou trois dernières années, il y a eu beaucoup d'affaires de cellules dormantes du terrorisme qui étaient installées au Sénégal et qui ont fait l'objet de jugements. Tout cela montre que ce pays n'est pas à l'abri. Ça vraiment, c'est un problème."

Il y a donc une inquiétude que les groupes terroristes puissent profiter d'une situation de troubles.

Par ailleurs, et dans un contexte de tension avec trois pays du Sahel que sont le Mali, le Niger et le Burkina Faso, la Cédéao compte sur le Sénégal qui est l'un de ses piliers.

Philipp Goldberg, directeur du centre de compétence Paix et sécurité en Afrique subsaharienne, à la fondation Friedrich-Ebert à Dakar, explique à DW que "le Sénégal est un Etat membre très important de la Cédéao. Le Sénégal était le plus grand fournisseur de troupes africaines, y compris au sein de la Minusma. Il est vrai que le Sénégal s'est beaucoup occupé de thèmes régionaux et s'est toujours engagé naturellement.".

Violations des droits humains

La délégation de la Cédéao doit en principe rencontrer le chef de l’Etat sénégalais ce mardi (13.02.2024)Image : RTS/Reuters

Pilier de la Cédéao, le Sénégal a, par le passé, souvent appelé au respect des libertés et des principes de démocratie. Pourtant, observe Samira Daoud, de l'ONG Amnesty International, c'est dans ce pays que les violations des droits de l'Homme, l'interdiction des rassemblements et les arrestations extrajudiciaires se sont multipliées.

"Si ces pays-là qui sont censés porter ce message eux-mêmes enfreignent le droit, eux-mêmes restreignent les libertés, eux-mêmes interrompent de manière brutale le processus électoral, effectivement, je ne vois pas comment la Cédéao demain pourra encore avoir une voix crédible auprès de ces régimes qu'elle a sanctionnés."

Dans un communiqué, l’ONG Human Rights Watch a alerté sur des violences et une vague de répression suite au report de la présidentielle. L’ONG a appelé à des "enquêtes indépendantes sur les violences survenues lors des manifestations des 9 et 10 février".

D'après la presse locale, des pourparlers seraient en cours pour renouer les fils du dialogue entre le président Macky Sall et son opposition. Certains médias ont évoqué la possibilité d'une amnistie dont pourrait bénéficier l'opposant Ousmane Sonko, actuellement en prison pour une affaire de mœurs.