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Au Sénégal, une promesse de campagne fait débat

Robert Adé
19 décembre 2024

La question de l'abrogation d'une loi amnistiant les actes de violence politique fait polémique depuis la victoire du Pastef aux législatives anticipées.

 Photo de Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko
L'abrogation de la loi d'amnistie était une promesse électorale faite par les dirigeants du PastefImage : Abdou Karim Ndoye/REUTERS

C'est une promesse électorale qui agite les débats ces derniers jours au Sénégal : l'abrogation de la loi d'amnistie. Celle-ci avait été décidée à la veille de l'élection présidentielle de mars 2024. 

Près d'un millier de détenus politiques en avaient bénéficié, y compris l'actuel président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko. Tous deux avaient en effet été placés en détention pour appel à l'insurrection, atteinte à la sûreté de l'Etat et troubles à l'ordre public. Aujourd'hui, la quasi-totalité des victimes des violences politiques, enregistrées entre 2021 et 2024 au Sénégal, serait favorable à cette abrogation.

"Que les responsabilités soient situées"

Thierno Amadou Sow est un ancien détenu, militant du Pastef, le parti au pouvoir dans le département de Pikine Nord. Il avait été gardé à vue pendant cinq jours et placé sous contrôle judiciaire pendant douze mois. La justice lui reprochait alors d'avoir participé à une manifestation non autorisée et à des actes de vandalisme.

C'est à la suite de son placement sous contrôle judiciaire qu'il aurait perdu son travail assure-t-il en précisant que depuis 2023 il n'est plus qu'un simple chômeur. "Cette loi d'amnistie, nous savons tous qu'elle a été prise pour protéger les principaux responsables des exactions enregistrées au Sénégal, de 2021 à 2024. Ce que nous demandons actuellement, c'est que les responsabilités soient situées" précise Thierno Amadou Sow.

Celui-ci espère donc qu'une abrogation de cette loi pourra désigner notamment des responsables au sein de la police et de la gendarmerie, en raison de la répression de certaines manifestations.

"C'est une promesse de campagne qu'ils ont faite"

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Inculpé en 2023 pour participation à une manifestation non autorisée, Barra Ernest Dieng a passé pour sa part huit mois en détention. Contrairement à Thierno Amadou Sow, il a été libéré avant l'entrée en vigueur de la loi d'amnistie. Cependant, il demande réparation.

"J'ai fait huit mois en détention lors de mon jugement. Il n'y avait pas de preuve. Est-ce un crime d'être quelque part où il y a des manifestations ?" s'interroge Barra Ernest Dieng qui estime que "ce n'est pas un crime" avant de poursuivre en assurant que "95% des gens étaient des innocents" et qu'en dehors "des détenus politiques, il y a eu des personnes torturées par des nervis".

"Une promesse de campagne"

Pour une militante de l'opposition qui a requis l'anonymat, le pouvoir actuel doit tenir sa promesse et abroger la loi d'amnistie.Elle rappelle que "c'est une promesse de campagne qu'ils ont faite à la population. Ils ont fait croire à leurs militants que cette loi-là, c'est Macky Sall (l'ancien président de la République, ndlr), ce n'est pas eux (qui l'ont décidée) et que quand ils arriveront au pouvoir, ils vont la supprimer"

On pardonne et on se réconcilie après avoir situé les responsabilités pour que justice soit faite, a expliqué la présidente du Collectif des familles des anciens détenus politiques, Lucie Sané.

Cette loi d'amnistie, adoptée à l'initiative de l'ancien président du Sénégal Macky Sall, à la veille de son départ de la présidence, avait pour objectif de pacifier l'espace politique et de raffermir la cohésion nationale, à la suite des violences meurtrières enregistrées entre 2021 et 2024 dans le pays.

Robert Adé Correspondant au Sénégal pour le programme francophone de la Deutsche Welledw_francais