Après des années d'accalmie, la situation s'est crispée entre l'armée et les combattants du MFDC, la rébellion qui revendique l'indépendance de cette région.
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Les accrochages ont eu lieu la semaine dernière (24 janvier) en territoire gambien entre la Mission ouest-africaine en Gambie (Ecomig), une force de la Cédéao composée essentiellement de militaires sénégalais, et les combattants du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC).
Ceux-ci pourraient compromettre le retour de la paix en Casamance.
C’est du moins l'avis de Gaustin Diatta, un journaliste qui suit de près l'évolution de ce conflit. Il estime que ce qui s'est passé est en train de faire revivre à la population casamançaise les épisodes sombres du passé.
''Je pense que cela constitue un danger pour le processus de paix qui a été amorcé, enclenché depuis très longtemps. Je pensais qu'on avait fini avec les violences, les accrochages qu'on a vécus avec les nombreux braquages, affirme Gaustin Diatta. C'est vrai qu'aujourd'hui les braquages ont disparu mais des accrochages de ce genre ça fait longtemps qu'on n'en avait pas vécu en Casamance. Aujourd'hui, si cela revient encore, cela veut dire qu'on est en train de revivre les tensions qu'on avait vécues pendant des années et que le processus qu'on a enclenché il y a très longtemps serait compromis''.
"Tout le monde va avoir des craintes pour la paix en Casamance" (Un habitant)
Yancouba Diémé, un habitant d'un village situé sur la route qui relie Ziguinchor à la Gambie, est du même avis. Il indique que les violents incidents de la semaine dernière ont suscité des craintes dans la région :
''Voilà ça, ce n'est pas une bonne chose, on est resté pendant huit ans sans entendre ce genre de choses. Donc cela n'est pas bon pour la Casamance parce qu'on est en train de chercher une paix définitive. Donc si cela se répète, tout le monde va avoir des craintes pour la paix en Casamance''.
Ces accrochages ont fait, selon un communiqué de la direction des relations publiques de l'armée sénégalaise, quatre morts et sept capturés par les indépendantistes dans ses rangs et un mort et trois prisonniers du côté du MFDC.
Après une rencontre entre des officiels du haut commandement des forces de la Cédéao en Gambie, accompagnés de responsables de la sécurité gambienne, et le chef de guerre du MFDC Salif Sadio, ce dernier se serait engagé à libérer les soldats capturés. Ces sources ne donnent toutefois aucune information sur le sort des prisonniers du MFDC.
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Casamance : une paix sur le papier
Officiellement, la Casamance est en paix. Mais la région du sud du Sénégal est depuis 30 ans un foyer de crise. L'armée sénégalaise a lancé une nouvelle opération contre les derniers bastions rebelles.
Image : John Wessels/AFP/Getty Images
L'armée passe aux choses sérieuses
Depuis début février 2021, des soldats de l'armée sénégalaise traquent des rebelles en Casamance. La région du sud-ouest du Sénégal est le théâtre d'un conflit latent depuis les années 1980. Et même si la situation s'est apaisée, le gouvernement a lancé en janvier une nouvelle offensive contre les arrières-bases rebelles.
Image : John Wessels/AFP/Getty Images
Une rebellion sanglante
Le cercle vicieux de la violence démarre en 1982. Les dirigeants du MFDC (Mouvement des forces démocratiques de Casamance), qui luttaient jusque là pacifiquement pour l'indépendance, sont emprisonnés. Le groupe se radicalise au cours des années suivantes et reçoit le soutien militaire de la Guinée-Bissau voisine à partir de 1990. La Gambie s'implique elle aussi dans le conflit.
Image : John Wessels/AFP/Getty Images
Échec des négociations
Des tentatives de cessez-le-feu sont initiées dans les années 1990. Mais la plupart échouent, en raison notamment des divisions au sein de la branche armée du MFDC. Malgré plusieurs tentatives du fondateur du MFDC, Augustin Diamacoune Senghor, de trouver un accord avec le gouvernement, des centaines de personnes sont tuées entre 1997 et 2001 et des milliers fuient les combats.
Image : John Wessels/AFP/Getty Images
Moment historique
En avril 2001, le président sénégalais Abdoulaye Wade (à droite) se rend en Casamance, un an après son entrée en fonction. Il veut engager un nouvel effort vers la paix avec le leader des séparatistes Augustin Diamacoune Senghor. Mais l'accord élude la question de l'autonomie et une partie des rebelles le rejette.
Image : Seyllou Diallo/AFP
La violence malgré la paix
En 2004, les négociations aboutissent. Le chef des rebelles Senghor (à droite) et le ministre sénégalais de l'Intérieur Ousmane Ngom (à gauche) signent un accord de paix durable. Le conflit politique est résolu mais certaines factions dissidentes du MFDC continuent à se battre. La violence en Casamance se poursuit.
Image : Seyllou/AFP/Getty Images
La paix comme argument électoral
En 2012, Macky Sall remporte l'élection présidentielle contre Abdoulaye Wade, notamment sur la promesse de ramener la paix en Casamance. Durant la campagne électorale, il envoie le musicien populaire Youssou N'Dour en Casamance pour diffuser son message.
Image : Seyllou/AFP/Getty Images
Violence latente
Malgré tous les efforts de paix, les années suivantes sont marquées par une résurgence de la violence. En 2018, treize jeunes sont massacrés près de la capitale régionale Ziguinchor, d'autres sont blessés. Jusqu'à aujourd'hui, de nombreux déplacés ne sont pas rentrés en Casamance.
Image : Seyllou/AFP/Getty Images
Le quotidien en Casamance
Malgré la violence récurrente, les habitants de Ziguinchor vivent normalement au quotidien à Ziguinchor. La capitale régionale compte 200.000 habitants, elle est le centre commercial de la Casamance et une base importante pour l'armée sénégalaise.
Image : John Wessels/AFP/Getty Images
La traque des rebelles
Selon des informations officielles, des soldats de l'armée sénégalaise auraient réussi à débusquer plusieurs bases rebelles lors de leur opération, dont un bunker souterrain. Le gouvernement espère également mettre fin à des activités criminelles qui permettent de financer les groupes rebelles.