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Le politique et le privé // Perpétuer la mémoire d'Auschwitz

27 janvier 2020

L'ancien vice-chancelier et ex-ministre de l'Economie Sigmar Gabriel (SPD) rejoint le conseil de surveillance de la Deutsche Bank. Et les cérémonies de commémorations à Auschwitz au coeur des journaux allemands.

Gedenken in Auschwitz zum 75. Jahrestag der Befreiung
Image : picture-alliance/ANP/R. de Waal

Les commémorations en hommage aux victimes du nazisme à Auschwitz intéressent les journaux allemands datés d'aujourd'hui.

Tout comme l'annonce de l'ancien vice-chancelier et ex-ministre de l'Economie Sigmar Gabriel : cet ancien dirigeant du parti social-démocrate (SPD) rejoint le conseil de surveillance de la Deutsche Bank, ce qui suscite une polémique sur la proximité des responsables politiques avec les milieux d'affaires.

"Vendre son âme"

Sigmar Gabriel a réagi aux critiques dans une interview à Bild am Sonntag, ce week-end.

L'ancien ministre déplore les "soupçons généralisés" qui pèsent selon lui sur tous les anciens politiciens qui rejoignent le monde de l'entreprise.

"C'est grave […], déclare-t-il, de les accuser automatiquement de vendre leur âme".

La gauche allemande, notamment, met en garde dans ce passage de l'ex-vice-chancelier Sigmar Gabriel à une entreprise cotée en bourse contre un possible "conflit d'intérêt" - alors que ses nouvelles activités pourraient lui rapporter jusqu'à 300.000 euros par an.

Sigmar Gabriel a été ministre de l'Economie et des Affaires étrangères. Il a dirigé le parti SPDImage : picture-alliance/dpa/Keystone/A. Wey

A Brême, le Weser Kurier regrette qu'il n'existe pas d'instance pour dire que "ça ne se fait pas, quand on est au SPD, et encore moins quand on a été ministre".

Depuis Magdeburg, le journal Volksstimme ironise sur "l'ascension du SPD" que promettait Sigmar Gabriel quand il dirigeait le parti et qui est surtout devenue... pour lui-même réalité.

Le quotidien rappelle plusieurs reconversions d'autres anciens pontes du parti social-démocrate qui ont présidé des fondations ou des fédérations dans l'action sociale, alors que Sigmar Gabriel, lui, devient "Grand capitaliste" et dépasse ainsi jusqu'à son mentor en politique, l'ancien chancelier Gerhard Schröder, qui avait aussi été très controversé quand il avait rejoint le géant russe du gaz, Gazprom.

Le journal estime que ce changement de cap risque de nuire aux militants du SPD qui affirment se battre pour plus de justice et d'équité.

Au contraire les Westfälische Nachrichten écrivent que Sigmar Gabriel n'essuiera pas les mêmes cris d'orfraie que Gerhard Schröder en son temps car lui ne sera pas suspecté de recevoir ce poste en retour de favoritisme lorsqu'il était au gouvernement.

La Mitteldeutsche Zeitung de Halle salue pour sa part le choix de Sigmar Gabriel qui a décidé de ne pas couler de retraite paisible aux frais du contribuable.

Lors des cérémonies des 75 ans de la libération du camp d'Auschwitz-BirkenauImage : picture-alliance/ANP/R. de Waal

Quand les survivants se taisent peu à peu

La presse allemande comporte aussi bien entendu beaucoup d'articles consacrés aux commémorations de la libération du camp d'Auschwitz et aux victimes du génocide planifié par les nazis.

La Frankfurter Allgemeine Zeitung titre sur "Les leçons d'Auschwitz" qui ne sont pas les mêmes de l'avis de tout le monde, 75 ans après la libération du camp par l'Armée rouge. Le "plus jamais ça" fait quasiment l'unanimité, constate le quotidien de Francfort … tant qu'on ne précise pas à quoi le mot "ça" renvoie.

La FAZ rappelle que des massacres et des génocides, il y en a eu après Auschwitz aussi – au Rwanda, au Burundi, en Serbie notamment. Alors je journal suppute que, peut-être, ce qu'il faut retenir comme leçon d'Auschwitz, c'est avant tout la nécessité des droits de l'Homme et de l'Etat de droit.

Habits de prisonniers exposés au mémorial d'AuschwitzImage : DW/N. Batalov

La Süddeutsche Zeitung publie le témoignage d'un rescapé du génocide: Jan Rothbaum. C'était en octobre 1942. Le commando de SS n'a eu besoin que de quelques minutes pour arrêter son père, sa mère et ses frères dans leur appartement de Cracovie, en Pologne.

Jan s'était jeté sur un des hommes en uniforme, armé seulement de ses poings. On l'avait battu jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Les SS l'avaient laissé pour mort.

Quand il a repris connaissance, sa famille avait disparu, déportée dans un camp d'extermination. Ils ont été gazés. 

Image : DW/M. Sieradzka

Aujourd'hui citoyen canadien, l'homme raconte : "J'ai perdu seize oncles et tantes et plus de vingt cousins et cousines. Aucun d'entre eux n'a survécu [à la déportation]."

Lui aussi a été déporté plus tard, et n'a survécu que grâce à ses talents de menuisier. Maintenant, Jan Rothbaum propose des visites guidées du camp à des écoliers. Il leur montre l'endroit où quatre petites filles ont été pendues.

Il parle de la puanteur du camp, raconte comment, malade, il a pu échapper à la chambre à gaz grâce à l'aide d'un médecin, de la marche de la mort au moment de la libération...

Aujourd'hui, écrit la SZ, un cinquième des jeunes Américains en-dessous de 35 ans ne sait pas ce qu'est l'Holocauste et près d'un citoyen américain sur deux est incapable de citer le nom d'un ghetto juif ou d'un camp de concentration nazi.

Alors le journal réfléchit à la transmission de la mémoire des survivants qui disparaissent petit à petit.

Le tatouage d'un survivantImage : DW

Pour contrer les mensonges, le négationnisme, le relativisme ou l'idéalisation de la barbarie a posteriori et empêcher à tout prix qu'une telle horreur ne se reproduise à l'avenir.

"Il n'y a pas de souci à se faire quant à la persistance des commémorations officielles", écrit la SZ, "du moins tant que les politiciens comme ceux de l'AfD ne figurent pas au gouvernement."

C'est plutôt la mémoire individuelle sur laquelle s'interroge le journal, à une époque où ressurgissent les remarques racistes et antisémites, sous couvert de liberté d'expression.

Le journal exhorte tous les écoliers sans exception à aller visiter le mémorial d'Auschwitz. "Même si on ne peut toujours pas, après la visite, imaginer qu'à cet endroit on tuait 60.000 personnes par jour », toujours selon la SZ.

A signaler enfin dans die tageszeitung : le portrait de la sémillante Marceline Loridan-Ivens, une autre survivante, du camp de Birkenau, qui a dit à un beau jeune homme avec lequel elle dansait : "Je vais te donner mon numéro : 78 150."

 Ce n'est pas son numéro de téléphone, écrit la taz, c'est celui que les nazis lui ont tatoué sur le bras en 1944 – elle avait 15 ans - à son arrivée au camp de concentration.