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Où sont les sociétés militaires en Afrique ?

Reliou Koubakin
9 février 2022

L’histoire controversée des sociétés militaires privées en Afrique est relancée aujourd’hui par l’implantation de Wagner dans de nombreux pays.

Le logo de la société militaire privée Wagner
Le logo de la société militaire privée WagnerImage : imageBROKER/Siegra Asmoel/imago images

Nous l’avons vu dans la première partie de ce dossier : les sociétés militaires privées interviennent dans différentes régions du monde, y compris donc en Afrique. Le groupe paramilitaire russe Wagner est en particulier au centre de l’actualité après s’être installé notamment en Libye, au Mozambique, au Soudan mais aussi, plus récemment, en Centrafrique et au Mali. 

Début février, le chef du commandement américain pour l’Afrique (Africom) a encore affirmé que le groupe Wagner est au Mali. Selon le général Stephen Townsend, Bamako verserait dix millions de dollars par mois "pour les services de Wagner".  

"Je crois qu’ils vont devoir payer en nature sous la forme de ressources naturelles telles que l’or et les pierres précieuses parce que je ne vois pas comment ils vont pouvoir payer dix millions de dollars par mois", a déclaré le chef d’Africom.

Le Mali a toujours démenti un quelconque contrat avec Wagner. Le chef de la diplomatie Abdoulaye Diop affirmant sur la DW que le Mali traite d’Etat à Etat, en somme entre le Mali et la Russie. 

Des instructeurs selon des dirigeants

Les autorités de Bamako disent n'avoir pas signé un contrat avec WagnerImage : FLORENT VERGNES/AFP

Des responsables militaires maliens admettent simplement que des instructeurs russes ont été déployés, notamment à Tombouctou. Début janvier, l’un d’eux évaluait à environ 400 le nombre de ces instructeurs. Les autorités maliennes ajoutent que ces instructeurs russes sont au Mali au même titre que des formateurs européens.

Amadou Gounty Diallo, enseignant-chercheur, ancien instructeur et ancien parachutiste comprend les dénégations de la junte au sujet de la présence du groupe Wagner.

Il explique sur la DW que "Ces sociétés militaires privées ne sont pas trop regardantes le plus souvent par rapport aux droits de l’Homme. Et les gens ne veulent pas demain qu’on dise qu’ils ont employé des mercenaires pour faire face au terrorisme. Partout, on dit que ce n’est pas une société privée, que ce sont des instructeurs, des contractuels russes ou des soldats russes…"

Paris, Berlin et plusieurs pays européens engagés dans la lutte contre le terrorisme au Mali ont exprimé leur refus d’être présents sur le même théâtre d’opération que le groupe paramilitaire privé russe Wagner. 

"C’est assez complexe pour le Mali d’admettre qu’ils font appel justement à la société Wagner pour des raisons géopolitiques qui opposent la Russie avec la France et l’Union européenne", conclut sur la DW Albane Violleau, corédactrice du dossier sur les Sociétés militaires privées (SMP) pour l’Observatoire des étudiants des relations internationales (OERI), rattaché à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye en France.  

Fin novembre, Nabila Massrali, porte-parole de Josep Borell, le chef de la diplomatie de l’Union européenne, exprimait la préoccupation de l’UE au sujet de "la présence du groupe Wagner dans 23 pays africains et les liens très étroits de cette société avec la Russie". 

Le président russe Vladimir Poutine rejette tout lien de Moscou avec WagnerImage : Thibault Camus/REUTERS

Pour plusieurs ONG et journalistes, la Russie emploie le groupe Wagner pour servir ses intérêts à l’étranger. 
Selon nos informations, la Russie est bien présente en Afrique par l’intermédiaire du groupe Wagner. Notre source n’indique pas le nombre de membres de Wagner mais admet qu’ils sont bien installés dans plusieurs pays africains, dont le Mali et la Centrafrique.

(Re)lire aussi → Les liens étroits entre l’armée centrafricaine et le groupe Wagner

Les sociétés militaires privées en Afrique: une longue histoire

La présence des sociétés militaires privées (SMP) sur le continent africain ne remonte toutefois pas à la présence du groupe Wagner au Mali. Wagner n’est d’ailleurs pas la seule SMP à intervenir en Afrique. 

Amandine Dusoulier a mené des recherches sur les SMP pour le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (Grip). 

Elle note sur la DW que "L’industrie de la sécurité privée possède une longue histoire sur le continent africain que ce soit au Sahel, par exemple au Mali, ou en République centrafricaine. Cet état de fait est favorisé par deux éléments : la faiblesse des institutions gouvernementales de certains pays et la richesse de ses sous-sols. Lesdites entreprises sont engagées directement par les gouvernements, les puissances étrangères actives sur les territoires nationaux, des entreprises, etc... pour mener un large panel d’activités telles que la participation à des missions de combat, la protection de sites d’extraction, la formation des forces armées locales et de gardes du corps présidentiels, l’évacuation médicalisée aéroportée de soldats et le soutien logistique."

Jade Andrzejewski et Albane Violleau sont co-rédactrices du dossier sur les SMP et membres de la direction de l’Observatoire des étudiants des relations internationales. Elles citent des pays africains où des SMP sont certes présentes mais ne sont pas en mesure de savoir si c’est à la demande des Etats:

"Il y a l’Angola et la Sierra Leone dans les années 90. Et après actuellement des pays qui font appel, à cette fameuse société russe (Wagner). On a les noms a priori des pays du G5 Sahel, et puis en plus, on va trouver la Guinée, la Guinée-Bissau qui vont se rajouter à ces pays, qui vont se rajouter au Mali, à la Mauritanie, au Niger par exemple. On va trouver aussi le Soudan."

"L’industrie de la sécurité privée possède une longue histoire sur le continent africain" (Amandine Dusoulier)

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(Re)lire aussi → Le putschiste burkinabè voulait l'aide de la Russie

Dans une publication faite en septembre 2021, le Groupe de travail de l’Onu sur l’utilisation des mercenaires revenait sur le recours récent du gouvernement mozambicain à la société Dyck Advisory Group, basée en Afrique du Sud. 

L’institut d’études de sécurité (ISS Africa) ajoute que deux autres sociétés sont aussi intervenues au Mozambique : le groupe russe Wagner et un consortium composé du groupe sud-africain Paramount et de la société Burnham Global, basée à Dubaï aux Emirats Arabes Unis.

Opacité des activités

Selon une publication de 2016 sur les SMP de l’ONG Transparency International Allemagne, soutenue par la fondation Robert Bosch, il ressort que des SMP ont été engagées en Centrafrique mais aussi au Tchad pour la mise en place de camps militaires et dans les domaines de la maintenance et de l’approvisionnement. 

Un véhicule militaire russe à BanguiImage : Camille Laffont/AFP

L’ONG cite aussi la RDC où des sociétés privées ont travaillé pour les Nations unies, des ONG et des sociétés d’exploitation minière. Elle indique toutefois que seul un petit nombre de SMP ont obtenu l’autorisation pour travailler en RDC, Kinshasa ayant "imposé des conditions juridiques strictes concernant l’utilisation et les activités des SMP".

Selon le Grip, il reste cependant difficile d’avoir des informations sur ces sociétés en Afrique, plusieurs pays travaillant avec des entreprises de sécurité privée. Le Grip pointe du doigt une "certaine opacité autour des activités de ces firmes en Afrique". "Une des rares informations mises à notre disposition émane d’un rapport du Pentagone de 2017 qui faisait état de 21 firmes américaines de sécurité privées au Sahel", évoque le Grip dans sa publication.

Amadou Gounty Diallo pense que si le recours aux SMP peut s’avérer moins cher par rapport à l’équipement des armées africaines, il ajoute qu’il faut cependant, "par rapport à la souveraineté, être assez regardant. Il vaut mieux équiper son armée car les mercenaires sont appelés à partir".

Lors du sommet de l'Union africaine les 05 et 06 février derniers, le Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l'UA, le Nigérian Bankole Adeoye, a appelé à "exclure complètement les mercenaires de notre continent".

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