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Ousmane Sonko souffle sur les braises au Sénégal

12 novembre 2024

Le Premier ministre sénégalais appelle ses partisans à la "vengeance" des leurs qui ont été blessés. Dans sa ligne de mire: la coalition qui soutient Barthélémy Dias qui dénonce ces appels à la violence.

Senegal Dakar | Ousmane Sonko, ancien opposant devenu Premier ministre (archive de mars 2021)
Ousmane Sonko tient des propos d'une violence rare pour un Premier ministreImage : Sylvain Cherkaoui/AP/picture alliance

Au Sénégal, la campagne électorale se durcit. A quelques jours des législatives du 17 novembre. Ousmane Sonko, le Premier ministre, a lancé un appel à ses partisans du Pastef.

D'abord, il les encourage à empêcher la coalition rivale, Sàmm Sa Kàddu, qui soutient Barthélémy Dias, l'actuel maire de Dakar, à battre campagne. Mais surtout, Ousmane Sonko les appelle à venger "proportionnellement" tout militant du Pastef qui a été agressé et blessé durant la campagne. Un appel à la violence lancé par un des plus hauts représentants de l'Etat. 

Ousmane Sonko dénonce "la faillite de l'Etat"

Ousmane Sonko déplore le manque de condamnations en justice des incidents qui ont émaillé la campagne des législatives, notamment à Saint-Louis.

Il accuse des partisans de la coalition Sàmm Sa Kàddu d'avoir "violemment attaqué et blessé" des militants du Pastef dans cette ville du nord du pays, à l'aide de "couteaux, sabres et grenades lacrymogènes".

Et il ajoute : "Nous exercerons notre droit légitime à la riposte".

La coalition visée dénonce sur les réseaux sociaux un "appel au meurtre assumé par l'actuel Premier ministre sénégalais". Elle affirme elle aussi avoir été visée par "de multiples attaques".

La coalition Sàmm Sa Kàddu, qui soutient Barthélémy Dias, affirme que ses partisans aussi ont été victimes de violencesImage : Seyllou/AFP

Un contexte de tensions exacerbées

Abdoulaye Ndiaye est chargé de programme à Article 19, une organisation qui défend l'accès à l'information au Sénégal et qui opère un suivi des questions électorales.

Il rappelle que les déclarations d'Ousmane Sonko s'inscrivent dans un contexte de violences répétées durant la campagne, avec plusieurs agressions physiques, des agressions verbales et la permanence d'un parti qui a été saccagée.

Il déplore ce durcissement du discours politique dans le pays, d'autant plus lorsque le Premier ministre y prend part, en incitant ses partisans à la violence.

"C'est comme si la Justice, ou l'arrêté pris par le ministre de l'Intérieur qui interdit le port d'armes, n'étaient pas respectés", analyse Abdoulaye Ndiyae. "La deuxième chose que l'on constate, c'est que dans les convois des différentes listes, il y a des entreprises de sécurité privée qui répandent la violence. Et cela a pour conséquence une polarisation qui fait que les gens osent s'affronter. Il est impensable aujourd'hui que deux listes en position de remporter une région puissent se rencontrer sans qu'on n'assiste à des cas de violence."

Interview d'Abdoulaye Ndiaye (Article 19)

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(Ecoutez ci-contre l'interview avec Abdoulaye Ndiaye de l'organisation Article 19)

Le poids d'une fonction

Toutefois, la position même d'Ousmane Sonko, en tant que chef du gouvernement, confère à ses propos une charge symbolique supplémentaire. Ce qui va à l'encontre de la pacification de l'espace politique.

"L'appel d'hier [11.11.24], c'était comme une négation de l'appel du président de la République qui, au moment où il y avait eu des cas de violences, avait instruit le ministre de la Justice de prendre toutes les dispositions pour que les principaux concernés puissent être poursuivis, quel que soit leur camp", rappelle Abdoulaye Ndiaye.

Pour lui, "les propos du Premier ministre [laissent entendre] que l'autorité qui doit veiller à la sécurité des citoyens n'assurait pas leur sécurité publique en cas de campagne électorale. C'est vraiment maladroit qu'une personne au pouvoir envoie ce genre de messages, car cela encourage les discours de haine."

Armes blanches et provocation

La gouvernance de Saint-Louis a indiqué ce matin que plusieurs personnes avaient été arrêtées avec des armes blanches, parmi lesquelles se trouvent des personnes chargées d'assurer la sécurité des caravanes politiques.

"D'ailleurs, le Premier ministre dit même une chose plus grave : il dit que l'Etat a failli", souligne Abdoulaye Ndiaye.

Quant au changement d'itinéraire de dernière minute de la caravane du Pastef, prévu cet après-midi, avec un appel au rassemblement devant la villa privée du maire de Dakar, Abdoulaye Ndiaye y voit un acte de provocation : "C'est comme un appel coordonné à la violence, dit-il. Et on entre dans une spirale puisque Barthélémy Dias a réagi en disant qu'il continuera à faire campagne et que rien ne pourra l'intimider. Donc ils appellent leurs militants à se rencontrer. Le choc risque d'avoir lieu, même si des dispositions sécuritaires sont prises. […] Les conséquences ne peuvent s'abattre que sur des citoyens qui n'aspirent qu'à circuler pacifiquement et à vivre en paix."

Les élections pourront-elles avoir lieu dimanche ?

Abdoulaye Ndiaye qualifie les appels des deux camps en lice et de leurs dirigeants d' "irresponsables", alors même que ces derniers "prétendent à être parlementaires pour le pays". Selon lui, les élections pourront malgré tout avoir lieu dimanche, mais dans un climat de tension qui pourrait dissuader certains électeurs de se rendre aux urnes, notamment à Dakar et dans sa banlieue, ainsi que dans le centre du pays.

Toutefois, il espère que le vote se déroulera aussi bien que la présidentielle 2024, exemple selon lui de la "citoyenneté sénégalaise".

Pour ce qui est de l'avenir d'Ousmane Sonko à la tête du gouvernement, Abdoulaye Ndiaye ne veut pas se prononcer. Il regrette simplement que le Premier ministre ait renoué avec le discours violent qu'il avait en tant qu'opposant, mais, cette fois, avec "beaucoup plus de prérogatives et de pouvoir".

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