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"Takuba n’est pas une mission comme les autres au Sahel"

17 juillet 2020

La France a lancé cette force, constituée d'unités mixtes qui iront ensemble au combat. Une experte allemande analyse l'impact que peut avoir Takuba.

Gesine Weber Analystin beim Think Tank Groupe d'Etudes Géopolitiques
Image : Privat

Takuba est un groupement de forces spéciales destiné à accompagner les soldats maliens au combat face aux djihadistes est prêt à agir avec, pour démarrer, une centaine de militaires estoniens et français, selon la ministre française des Armées, Florence Parly. 

Lire aussi → Des exécutions extrajudiciaires commises par les armées du Sahel

Pour Gesine Weber, chercheuse et spécialiste de la région du Sahel, si despays européens comme l’Allemagne ne s’engagent pas dans cette lutte, ce sera une occasion ratée pour la politique extérieure européenne. Voici l'entretien qu'elle nous a accordé :

 

DW: Gesine Weber, bonjour

Gesine Weber: Bonjour

DW : Vous dites que la force Takuba au Mali est une occasion ratée pour la politique extérieure européenne. Pourquoi  ?

"Takuba est une occasion ratée dans la mesure où il n'y a pas tous les Etats membres qui participent" (Gesine Weber)

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Gesine Weber : C’est une occasion ratée dans la mesure où il n'y a pas tous les Etats membres qui participent. Et moi, dans ce contexte, je pense notamment à l'Allemagne qui soutient cette coalition pour le Sahel politiquement. Mais il n'y a pas de soutien militaire. Et je trouve que si vous êtes un acteur qui veut être un acteur crédible et qui veut se présenter avec les autres pays européens, la participation militaire avec des capacités militaires dont on dispose est aussi nécessaire. Et ça c’est ma critique en général. C’est très très dommage qu'il n'y ait pas tous les États qui y participent et qu'il y ait encore cette division des tâches, cette division du travail. Cela montre que même si on veut agir en tant qu’Union européenne à l'étranger, il y a quand même des fractures entre les Etats membres et leur volonté de s'engager sur le terrain. Et si l'on veut, sur le long terme, vraiment établir une politique européenne de défense commune, cela implique aussi qu'on est prêt à participer aux tâches qui vont avoir un impact positif sur la communauté des Etats européens.

DW: Cette hésitation allemande, est-ce une manière de dire que pour les Allemands, la force Takuba ou bien l'engagement au Mali est une affaire de la France ? Est-ce qu'on peut l'interpréter ainsi ?

Gesine Weber :  Non, pas du tout. En effet, il y a quelques jours, il y avait une tribune très intéressante de Nils Schmid, qui est le porte-parole des sociaux-démocrates  au Parlement allemand, qui disait, en général, qu'il s'agit d'une responsabilité partagée entre la France et l'Allemagne. Mais d'un point de vue historique, la France et l'Allemagne ont des approches très très différentes à l'égard de l'emploi de la force militaire. Tout d'abord, historiquement, la France a très souvent considéré le Sahel comme une sorte de pré carré de la France, une région d'une très grande importance stratégique pour la France. Pour l'Allemagne, ceci n'était pas vraiment le cas. Maintenant, cela change un peu parce que le Sahel est de plus en plus devenu le repère des groupes terroristes. Evidemment, cela a généré des craintes de sécurité en Allemagne. Je ne pense pas qu'on puisse dire que la défense européenne, aux yeux des Allemands, est une affaire de la France. Même si en Allemagne, il y a une culture de réticence militaire tandis que la France a une culture militaire beaucoup plus interventionniste.

DW: Il y a certaines voix politiques en Allemagne qui pointent du doigt l'inefficacité des forces internationales au Sahel. Alors on se demande ce qu’on peut attendre de la nouvelle force Takuba si l’on sait que la force Barkhane, la Minusma et le G5 Sahel interviennent déjà sur place.
Gesine Weber : C'est une question absolument pertinente, mais c'est aussi une question qui nécessite peut-être quelques informations auparavant. Si l'on regarde toutes les missions qui sont sur place, il faut prendre en considération que les missions ne sont pas les mêmes. Ce qui est intéressant dans Takuba et ce qui fait la différence de Takuba, est qu'il s'agit d'une mission composée de forces militaires spécialisées. L’idée est vraiment d’appuyer notamment la mission Barkhane, donc la mission antiterroriste et d'augmenter le tempo des opérations qui permettra, par exemple, d'éliminer des chefs de groupes terroristes de manière plus efficace.

Le G5 Sahel lutte aussi contre les groupes armés terroristes Image : AFP/M. Cattani

DW: Mais avoir aussi beaucoup d'initiatives, cela peut aussi avoir des effets contre-productifs. Ou bien ?

Gesine Weber : C'est tout à fait possible. Takuba n'est pas une mission comme toutes les autres missions militaires. On sait exactement ce qui va se passer et que cette mission va finir par un succès. Evidemment, il est possible que cela se termine par un échec  si la coopération échoue ou si les ennemis sur le terrain changent la stratégie. On ne peut pas l'exclure. En ce moment, il est très important d'avoir une coopération très étroite avec les autres acteurs sur le terrain pour qu'on puisse vraiment augmenter le tempo des opérations.