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Les victimes de Hissène Habré veulent être indemnisées

Blaise Dariustone
28 octobre 2019

Le gouvernement tchadien n’a toujours pas exécuté une décision de justice de 2015 ordonnant la réparation à plus de 7 000 victimes de crimes graves commis durant le régime de l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré.

Tschad Opfer
Image : DW/B. Darustone

"Trop c’est trop ! Les veuves souffrent" (Clément Abaifouta)

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La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP), qui examine à Banjul, en Gambie, le bilan du Tchad en matière des droits humains, demande aux autorités tchadiennes de respecter ses obligations envers les victimes de Hissène Habré.

"Ça ne se comprend pas qu’il y ait eu une décision de justice qui n’est pas mise à exécution, ça veut dire que c’est un travail inachevé, ça veut dire que quelque part ça été du bluff simplement. Si on s’inscrit dans la lutte contre l’impunité en ouvrant des actions judiciaires, je crois que ces actions judiciaires ont pour conséquence l’indemnisation des victimes et elle doit être effective simplement. J’appelle le gouvernement à ne pas fermer l’œil sur la décision de justice rendue au nom des Tchadiens" souligne Me Jacqueline Moudeina, la président de l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des Droits de l'homme (ATPDH) et l’une des avocates des victimes de Hissène Habré.

Crise financière

Le gouvernement tchadien a jusqu’ici justifié le non-paiement des indemnités aux victimes par la crise financière que rencontre le pays.

Des arguments réfutés par Clément Abaifouta, président de l’Association des Victimes des Crimes du Régime de Hissène Habré (AVCRHH).  En tant que prisonnier sous le régime de Habré, il avait été forcé à creuser des charniers et à enterrer de nombreux codétenus.

Clément Abaifouta, président de l’Association des Victimes des Crimes du Régime de Hissène Habré.Image : DW/M. Dronne

"Trop c’est trop ! Vous savez ces veuves-là, elles souffrent. Tout le monde espère être dédommagé. Nous avons déjà 115 morts des victimes sur les bras donc nous interpellons le président de la République avec son gouvernement de se décider de nous rencontrer pour que le mécanisme de dédommagement soit mis en marche", déclare-il au micro de la DW.

Bientôt le bout du tunnel ?

Le ministre tchadien de la Justice se dit bien conscient des revendications des victimes et promet que tout sera réglé d’ici la fin de l’année.

"Ces victimes certes, il faut le dire ils ont attendu très longtemps l’indemnisation de tout ce qu’ils ont connu pendant le règne de Habré. Du point de vue de la volonté politique, il n’y a aucun doute parce que si les choses sont arrivées là, c’est surtout grâce à la contribution du gouvernement. La situation économique que vous connaissez tous, n’a pas permis au gouvernement vraiment d’exécuter la décision qui a été rendue par la cour criminelle de N’Djamena. Mais je pense que les choses sont très avancées, d’ici la fin de l’année, ce fond va être mis en place et je pense que toutes ces victimes seront au bout de leurs souffrances", promet Djimet Arabi.

Hissène Habré a dirigé le Tchad dans la terreur de 1982 à 1990.Image : picture-alliance/dpa

Les victimes du régime de l’ancien président Hissein Habré ne sont pas les seules à faire les frais de l’argument de la crise financière qu’évoque le garde des sceaux. Des retraités peinent à entrer toucher leurs pensions, des victimes d'expropriations et de déguerpissements attendent aussi d’être indemnisées par l’État tchadien depuis des années.

Fonds fiduciaires

Après la condamnation de Hissène Habré confirmée par une chambre d’appel en 2017, la somme de 82 milliards de francs CFA (soit environ 153 millions de dollars US)  a été allouée aux 7 396 victimes désignées.

La chambre d’appel a donné mandat à un Fonds de l’Union africaine pour collecter les fonds en recherchant les avoirs de Hissène Habré et en sollicitant des contributions.

Par ailleurs, l’Union africaine a alloué cinq millions de dollars au Fonds fiduciaire pour les indemnisations. Cependant, le fonds n’est toujours pas opérationnel, 30 mois après le verdict prononcé à Dakar.

C’est pourquoi, plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme demandent à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples  de faire pression sur  l’Union africaine, afin d’accélérer la mise en place du Fonds fiduciaire pour l’indemnisation des victimes.

Reed Brody de Human Right Watch a été l'un des artisans du procès Habré.Image : AP

Torture

Selon l’ONG Human Right Watch, au cours du procès historique tenu au Tchad en 2015, environ 50 victimes ont décrit les tortures et les mauvais traitements subis aux mains des agents de la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS), la redoutée police politique de Hissène Habré. Parmi les personnes condamnées à perpétuité à l’issue de ce procès figuraient Saleh Younous, ancien directeur de la DDS, et Mahamat Djibrine dit  "El-Djonto" qui était, selon la Commission nationale tchadienne d’enquête de 1992, l’un des  "tortionnaires les plus redoutés" de ce pays. Saleh Younous et Mahamat Djibrine, comme beaucoup d’autres condamnés, auraient été libérés depuis, sans qu’un motif officiel ne soit fourni.

Blaise Dariustone Correspondant au Tchad pour le programme francophone de la Deutsche Welledw_francais
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