Cet article s'inscrit dans la série "Dans l'ombre de la colonisation allemande" proposée par DW Afrique.

En dix épisodes, un podcast vous accompagne tout au long de l'histoire sombre des colonies allemandes en Afrique, de la fin du XIXè siècle à 1918.

Comment le Togoland est-il devenu une colonie allemande ?

Quand les Allemands s'installent au Togoland, cela fait déjà des siècles que les Européens commerçent le long de la côte ouest-africaine. Surnommé la "Côte des esclaves" par les cartographes, l'esclavage y a été pratiqué pendant une bonne partie du XIXè siècle, au profit notamment des communautés locales.

Au moment de la signature d'un traité de protection par le commissaire Gustav Nachtigal et le roi éwé Mlapa III, les élites togolaises n'étaient pas intimidées par les Européens. Bien au contraire : elles courtisaient les différentes puissances européennes et tiraient partie des rivalités qui les opposaient les unes aux autres.

Mais cette fois-ci, le protectorat allemand, mis en place à Lomé, s'est avéré déterminant. Dans la foulée, la côte ouest-africaine est coupée en trois par les Européens, délimitant la Gold Coast (Côte-d'Or) britannique, le Togoland allemand et le Dahomey français.

La prise de contrôle allemande s'est-elle déroulée de manière pacifique ?

Non, même si la croyance veut que le colonialisme allemand a été moins dur au Togoland qu'en Afrique orientale allemande (Tanzanie continentale, Burundi, Rwanda) et en Afrique allemande du Sud-Ouest (actuelle Namibie).

Après avoir pris le contrôle de la côte, les forces impériales allemandes ont lancé des expéditions militaires punitives dans l'arrière-pays. Les archives font état d'une soixantaine d'expéditions militaires entre 1884 et 1902. 

Pourquoi le Togoland a-t-il été qualifié de "colonie modèle" ?

Outre l'idée erronée selon laquelle la colonisation allemande s'est déroulée de manière pacifique, le Togoland était la seule colonie allemande dont on disait qu'elle était autosuffisante. Mais même cette affirmation doit être nuancée : elle était autosuffisante dans la mesure où elle rapportait de l'argent aux entreprises allemandes et reposait sur une agriculture de plantation.

Pour être rentables, les colons allemands ont introduit notamment la culture intensive du café, du coton et du cacao. La main d'œuvre locale travaillait dans des plantations immenses pour un salaire dérisoire, voire inexistant. Les produits étaient principalement destinés à l'exportation et les Allemands empochaient les bénéfices. Pire encore, les petits agriculteurs étaient taxés par l'administration coloniale.

Cette dernière a par ailleurs fait peu d'efforts pour améliorer le bien-être des travailleurs togolais ou même développer des infrastructures de base. Les experts soulignent également qu'en termes de droits de l'Homme, la situation au Togo était aussi mauvaise que dans les autres colonies allemandes, avec un racisme généralisé, le recours aux châtiments corporels, la répression et la persécution des personnes qui s'opposaient à l'administration coloniale.

Comment le colonialisme a-t-il affecté les structures de pouvoir locales ?

Les frontières du Togo, telles qu'elles ont été tracées, ne reflétaient pas la réalité des populations qui y vivaient avant la création des colonies. Il suffit de regarder une carte pour s'en rendre compte : actuellement, le Ghana, le Togo et le Bénin disposent chacun d'un accès limité au littoral et s'étendent en longueur dans l'arrière-pays de l'Afrique de l'Ouest, à la manière d'une tranche de gâteau. 

S'appuyant sur quelques officiers allemands et des troupes mercenaires étrangères africaines, le régime colonial a exercé une violence arbitraire, pour écraser toute opposition et remplacer les structures de pouvoir traditionnelles préexistantes par des chefs dociles.

En fait, le concept même de "chef" n'existait pas dans la hiérarchie togolaise traditionnelle, où régnait des familles royales. Au lieu de cela, les "chefs" étaient choisis pour leur docilité à l'égard des administrations coloniales, sans tenir compte de l'autorité réelle qu'ils détenaient au sein de la société togolaise.

Pour de nombreux Togolais, le terme de "chef" est en fait dégradant, car il s'agit d'une fonction inventée pour servir les intérêts coloniaux. Les chefs traditionnels n'étaient pas responsables de l'administration ou de la bureaucratie, mais occupaient une fonction politique, religieuse et spirituelle que les colons ne comprenaient pas, ou ne voulaient pas comprendre.

Les colons ont souvent cru, à tort, que les messagers ou les représentants dépêchés par les rois exerçaient le pouvoir à la place de l'autorité qu'ils représentaient. Au final, ils ont usurpé le pouvoir des autorités traditionnelles.

L'érosion de la structure traditionnelle de pouvoir, ien qu'imparfaite, a survécu aux colonialismes allemand et français et reste visible dans les conflits de pouvoir au sein de la société togolaise actuelle.

Qu'est-il arrivé au Togo après le départ des Allemands ?

Après la défaite de l'Allemagne à l'issue de la Première Guerre mondiale, le Togoland a été partagé entre la France et la Grande-Bretagne sans qu'il y ait d'amélioration significative dans la vie du Togolais moyen, contrairement à ce que prétendaient les services de propagande des deux puissances.

Le Togoland occidental, qui était sous administration britannique, a finalement été absorbé par le Ghana, tandis que le Togoland français a déclaré son indépendance en 1960.

Des groupes ethniques, comme les Ewe, coupés en deux par les nouvelles frontières, ont protesté contre le découpage administratif de ces territoires, certains réclamant même la création d'une nouvelle patrie. Mais les frontières coloniales convenues par la France et la Grande-Bretagne sont toujours en vigueur aujourd'hui.