Mahamat Idriss Déby veut rassurer les populations du Sud
Blaise Dariustone
9 juin 2023
Au Tchad, le président de transition poursuivait sa tournée dans le sud du pays, théâtre de violences intercommunautaires. L'opposition dénonce un air de déjà-vu.
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Mahamat Idriss Déby était attendu dans les deux Mayo Kebbi Est et Ouest ce vendredi, dernière étape de cette tournée dans le Sud du Tchad.
De plus en plus critiqué pour son silence face aux attaques répétées des hommes bien armés contre les agriculteurs, le président de transition tente de rassurer la population par de nombreuses promesses.
Au cours de cette tournée dans des régions réputées favorable à l’opposition, Mahamat Idriss Deby a presque toujours tenu le même discours.
Partout dans les chefs-lieux des différentes régions visitées, il a promis de restaurer la sécurité. Il a aussi annoncé la construction d’infrastructures routières, d’hôpitaux, d’écoles, et l’amélioration de la situation sociale des populations.
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Elections libres
Hélène est enseignante et responsable de l’association des femmes de la province du Moyen Chari. Selon elle, "tout ce que les Tchadiens attendent, c’est l’organisation d’élections libres pour choisir un président dignement élu. La transition en cours, c’est vraiment un échec total. Il ne sert à rien de dépenser de l’argent inutilement pour de tels déplacements. Qu'il organise les élections pour rendre le pouvoir aux civils."
Jean Allatara, membre du cercle des étudiants de l’Université de Doba, partage cet avis. "Les discours de Mahamat Idriss Deby lors de cette tournée sont exactement les mêmes discours que son père a tenu pendant 30 ans. Un Tchadien vraiment sérieux ne peut pas croire à ces promesses. C’est du mensonge, de la manipulation'', fustige Jean Allatara.
Etre sur le terrain
Mais pour François Djekombé, président du parti Union sacrée pour la République, par ailleurs natif de Doba, cette tournée à tout son sens. Selon lui, "cette visite peut être diversement appréciée, mais je pense que chacun à son angle de lecture. En tant qu’acteur politique, je pense que s’il reste à N’Djamena pour réagir, les gens diront qu’il est insensible à tout ce qui se passe dans le pays. En se déplaçant sur le terrain il peut discuter avec tout le monde."
Plusieurs organisations de la société civile et partis politiques opposés à la transition en cours ont appelé leurs militants à boycotter cette tournée qu’ils considèrent comme une précampagne en vue du référendum constitutionnel prévue à la fin de cette année ainsi que la présidentielle d’octobre 2024.
Guerre au Soudan : les réfugiés à la frontière tchadienne en images
Depuis le début du conflit au Soudan, l'est du Tchad a vu affluer 90 000 réfugiés soudanais et retournés tchadiens du Darfour, selon le HCR. Reportage photo de notre correspondant dans les camps de Toumtouma et Borota.
Image : Blaise Dariustone/DW
Femmes et enfants retournés tchadiens au camp de Toumtouma
Plus de 6500 Tchadiens sont accueillis à Toumtouma près de la frontière soudanaise. En majorité des femmes et des enfants, ils avaient fui les combats entre les rebelles et l'armée tchadienne entre 2006 et 2008 au Tchad. Cela fait d'eux des "retournés", soit des populations forcées au retour dans leur pays d'origine alors qu'elles l'avaient fui par le passé.
Image : Blaise Dariustone/DW
Prise en charge médicale d'une famille tchadienne dans le camp de Toumtouma
Les organisations humanitaires tentent de fournir une prise en charge médicale dans ces camps, comme ici dans une clinique mobile à Toumtouma. Selon l'UNHCR, 11.166 personnes prises en charge à la frontière avaient reçu des services de santé au 23 mai 2023. De nombreuses familles avec enfants sont concernées et cherchent des traitements contre la malaria.
Image : Blaise Dariustone/DW
Distribution du Programme alimentaire mondial (PAM) dans le camp de Toumtouma
Ce samedi 20 mai 2023, le Programme alimentaire mondial organisait une distribution de vivres à destination de retournés tchadiens du camp de Toumtouma. Le 24 mai, le PAM a lancé un appel de fonds à hauteur de 810 millions de dollars sur les six prochains mois afin de soutenir l'aide humanitaire dans la Corne de l'Afrique.
Image : Blaise Dariustone/DW
Un avion du Programme alimentaire mondial (PAM) à Farchada pour transporter le personnel humanitaire depuis N'Djamena
Le Programme alimentaire mondial, ou World Food Program (WFP, sur la queue de l'appareil), dispose de 100 avions, 5.600 camions et 30 navires en service chaque jour. L'organisation a publié un rapport ce lundi 29 mai qui place la région parmi les "points chauds" de l'insécurité alimentaire dans le monde.
Image : Blaise Dariustone/DW
Les habitants du village d'Abéché se fournissent en eau non loin du camp de Toumtouma
A proximité du camp de Toumtouma, des villageois se fournissent en eau au puits. L'afflux de retournés tchadiens et de réfugiés soudanais inquiète les villageois environnants, qui ont déjà un accès compliqué à l'eau et à la nourriture. Les retombées de la crise au Soudan touchent aussi des populations qui n'ont pas eu à se déplacer.
Image : Blaise Dariustone/DW
Rassemblement des réfugiés soudanais du camp de Borota par le HCR
Dans le camp de Borota, ce sont majoritairement des réfugiés soudanais originaires de la région du Darfour, de l'autre côté de la frontière, qui sont pris en charge. Dimanche 21 mai 2023, plus 30.000 Soudanais avaient trouvé refuge dans ce village tchadien situé à environ cinq kilomètres du Soudan.
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Adam Seid, réfugié soudanais, arrive dans le camp de Borota dans l'Est du Tchad
Adam Seid a fui le Soudan pour le camp de Borota. Il arrive ici sur sa charrette avec les quelques affaires qu'il a pu rassembler avant de quitter son pays. Les camps tchadiens sont si proches de la frontière que certains réfugiés font des allers-retours dans les villages soudanais voisins pour récupérer des affaires personnelles à leurs risques et périls.
Image : Blaise Dariustone/DW
Famille réfugiée soudanaise dans le camp de Borota
Les familles sur place sont éparpillées sur des centaines de mètres. Elle tendent des pagnes ou des voiles de toutes les couleurs pour se protéger du soleil. Beaucoup de ces femmes ont perdu leur mari, tué au Soudan, ou des enfants, morts pendant le trajet qui a suivi leur fuite.
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Borno Khamis Haroun, réfugiée soudanaise dans le camp de Borota, à l'Est du Tchad
Borno Khamis Haroun a fui Konga, dans le Darfour, avec ses cinq enfants. "Mon mari était parti chercher des fagots, c'est comme ça qu'il a été tué", a déclaré à la DW la jeune femme de 25 ans. Après deux jours de marche, ils ont rejoint le camp de Borota et leur abri de fortune. "Actuellement nous n'avons pas à manger, les enfants sont malades", ajoute-t-elle.
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Prise en charge d'un nourrisson par un volontaire du HCR au camp de Borota, à l'Est du Tchad
La présence du HCR permet notamment d'évaluer le nombre d'enfants ayant besoin d'une prise en charge. Selon le HCR au 23 mai 2023, 66% des personnes pré-enregistrées à la frontière tchadienne depuis le début du conflit sont des enfants.
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La délégation du HCR enregistre une réfugiée soudanaise dans le camp de Borota
La délégation du Haut commissariat aux réfugiés présente à Borota dimanche 21 mai pré-enregistrait les personnes présentes pour évaluer l'évolution de la situation et les besoins des familles qui affluent dans les camps tchadiens. Il est nécessaire d'être enregistré dans le camp pour recevoir une aide alimentaire. En attendant, beaucoup de réfugiés dépendent de la générosité de leurs voisins.
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Ahmat Hassane, réfugié soudanais à Borota, de retour du marché avec son âne
Ahmat Hassane revient du marché dans le village voisin avec de la nourriture. Seuls ceux qui ont pu prendre la fuite avec de l'argent peuvent se permettre de se rendre au marché de Borota. La situation alimentaire sur place reste inquiétante et beaucoup ne peuvent compter que sur l'aide humanitaire pour se nourrir.