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MigrationTunisie

Un "partenariat stratégique" qui passe mal

17 juillet 2023

Le volet migration du protocole d'accord entre l'Union européenne et la Tunisie suscite des inquiétudes de la part des organisations de défense des droits de l'Homme.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, du président tunisien Kaïs Saïed, mais aussi des chefs de gouvernement néerlandais Mark Rutte et italien Giorgia Meloni en Tunisie.
Le protocole d'accord a été conclu en présence de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, du président tunisien Kaïs Saïed, mais aussi des chefs de gouvernement néerlandais Mark Rutte et italien Giorgia Meloni.Image : Freek van den Bergh/ANP/picture alliance

Présenté comme un "partenariat stratégique", ce protocole d'accord est destiné à soutenir la Tunisie qui fait face à de graves difficultés économiques. Mais c'est surtout le volet concernant la lutte contre l'immigration irrégulière qui suscite des inquiétudes, notamment des organisations de défense des droits de l'Homme alors que la situation des migrants en Tunisie s'est beaucoup détérioré ces derniers mois.

Selon Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, le protocole d'accord signé avec la Tunisie permettra d'"investir dans une prospérité partagée".

Si cet accord concerne bien le développement économique de la Tunisie et les énergies renouvelables, c'est surtout la question migratoire qui fait l'objet d'une grande attention et choque des organisations de défense des droits de l'homme comme Human Rights Watch.

" Le protocole d'accord parle de respect des droits humains, alors que sur le terrain ont voit une mulitplication des abus contre les migrants (...). Si l'UE veut avoir un partenaire fiable en matière de migration, il faut que ce partenaire respecte les droits humains. Le fait que l'UE ignore cette réalité (...) cela va rendre l'UE complice des exactions qui sont commisses" explique Philippe Dam le directeur du plaidoyer auprès de l'UE, pour Human Rights Watch. 

Selon lui, il est urgent que l'UE suspendent tout soutien financier ou matériel aux gardes côtes et à la police tunisienne jusqu'à ce qu'elle ait des garanties que la Tunisie respecte ses engagements en matière des droits de l'homme à l'égard des migrants et demandeurs d'asile.

Les gardes-frontières libyens sauvent des migrants de pays d'Afrique subsaharienne qui prétendent avoir été abandonnés dans le désert par les autorités tunisiennes près de la ville frontalière de Al-AssahImage : Mahmud Turkia/AFP

Des départs forcés

Le volet migration de ce partenariat prévoit une aide européenne de 105 millions d'euros destinée à empêcher les départs de bateaux de migrants vers l'Europe depuis les côtes tunisiennes.

Ce fond servira aussi à lutter contre les passeurs et à améliorer l'enregistrement et le rapatriement des migrants. Ces fonds devrait donc permettre de faciliter les retours tant de Tunisiens qui sont en situation irrégulière dans l'UE, que les retours depuis la Tunisie vers leurs pays d'origine de migrants d'Afrique subsaharienne. 

Des migrants qui subissent des attaques violentes en Tunisie depuis les propos racistes tenus par le président Kaïs Saïed.

Abu est Ivoirien et il raconte avoir été abandonné par la police avec d'autres migrants dans une zone inhabitée près de la ville frontalière libyenne d'Al-Assah.

"La police tunisienne m'a attrapé avec ma femme et ils nous ont demandé les papiers. On a montré nos papiers et ils nous ont mis dans un camion. J'ai demandé : vous nous emmenez où ? Ils ont dit qu'ils nous emmenaient en Libye. Mais qu'avons-nous fait pour aller en Libye ? Ils ont dit : On n'a pas besoin de vous ici en Tunisie" assure Abu.

Depuis quelques mois, les exemples de migrants forcés de quitter la Tunisie ne cessent de se multiplier.

L'obligation de paraître actif

La situation actuelle des migrants en Tunisie n'a pas été un obstacle à la signature de l'accord entre Bruxelles et Tunis. Le protocole d'accord a été conclu en présence de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, du président tunisien Kaïs Saïed, mais aussi des chefs de gouvernement néerlandais Mark Rutte et italien Giorgia Meloni.

"On voit une mulitplication des abus" Philippe Dam (HRW)

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Selon Anthony Dworkin, chercheur principal en politique au Conseil européen des relations étrangères, chargé des droits de l'Homme, de la démocratie et de la justice : "Il y a eu cette année une forte augmentation du nombre de personnes arrivant de Tunisie en Italie… des migrants irréguliers. Le parti au pouvoir en Italie a fait de la migration un sujet phare. Et donc pour eux, il est très important de donner l'impression qu'ils agissent, qu'ils font quelque chose pour résoudre ce problème. C'est donc important pour l'Italie, mais aussi pour les autres Etats membres de l'UE d'avoir l'air d'être actifs sur le dossier de la migration". 

L'Union européenne souhaite désormais négocier également avec l'Egypte et le Maroc des partenariats portant  sur la lutte contre l'immigration irrégulière.

La Tunisie n'est pas le premier pays avec lequel l'Union européenne a conclu un accord migratoire. En 2016, un pacte migratoire a été signé entre Bruxelles et Ankara. Un accord de lutte contre "les routes de migration irrégulières" qui prévoit le renvoi vers la Turquie de tous les migrants entrés illégalement en Grèce et dont la demande d'asile a été refusée. En contrepartie, la Turquie a obtenu de l'UE des fonds pour la gestion des réfugiés sur son sol. Cet accord a été renouvelé en 2021.