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Un éventuel "triage médical" redouté en Allemagne

17 décembre 2020

Les propos d'un médecin de Zittau au sujet d'un "triage médical" en période de pandémie ont déclenché un débat sur la nécessité d’une telle décision dans les hôpitaux allemands. Mais nous n’en sommes pas encore là.

L'option du triage témoigne de la gravité de la situation dans les hôpitaux dans certaines régions allemandes.
Image : Rainer Droese /localpic/imago images

On entend par "triage médical" la priorisation de l'assistance médicale en cas de ressources limitées dans les hôpitaux.

Cela signifierait que dans les situations où les hôpitaux sont débordés par l’afflux de malades, ce qui est déjà le cas dans certaines régions allemandes, les médecins pourraient choisir quels patients soigner en priorité.

Par exemple, par manque de matériel ou de personnel, les patients les plus âgés pourraient ne plus être mis sous respirateur artificiel.

La polémique est née en Allemagne à la suite de des propos tenus mardi par le directeur de la clinique de Zittau, en Saxe, dans l'est du pays.

Image : Bodo Schackow/picture-alliance/dpa

Ce dernier a déclaré qu'il était dans une situation d'urgence dans sa clinique, à tel point que lui et ses collègues sont dans l’obligation de décider quel malade de la Covid-19 doit recevoir une ventilation d’oxygène et lequel n’en aura pas.

Mais pour la Fondation allemande pour la protection des patients, le pays n‘est pas confronté à une telle situation. Pour la Fondation, il y a des ressources suffisantes pour que tous les patients gravement malades soient pris en charge.

Son responsable a déclaré que faire un tel triage renversait le principe d'éthique. Car en Allemagne, c'est le patient le plus malade qui doit être aidé en premier.

Entre temps, la clinique de Zittau est revenue sur les propos de son directeur en évoquant un "malentendu" et a assuré qu'à aucun moment, il n’a été question de triage.

En revanche, le président de l’Organisation des médecins du monde, Frank Ulrich Montgomery, a déclaré que de plus en plus de décisions de triage seront prises à mesure que les unités de soins intensifs deviendront surpeuplées.

Cette option témoigne de la gravité de la situation dans les hôpitaux dans certaines régions allemandes, submergés face à la pandémie et au manque de place en soins intensifs.

Plainte contre la pratique

En Allemagne, certains n’ont pas attendu la confirmation de l’information avant de porter l’affaire devant la justice. C’est ce qu’a fait Nancy Poser : souffrant d'atrophie musculaire, celle-ci se déplace en fauteuil roulant.

Et au vu de son état, elle redoute, si elle était infectée par le coronavirus, d’être victime d’un éventuel triage dans les hôpitaux.

Image : Isabel Infantes/PA Images/imago images

"S'ils réalisent cela comme prévu, alors nous, les handicapés, sommes tous morts", a déclaré Nancy Poser. La femme de 40 ans est juge de tutelle au tribunal de district de Trèves, dans l’ouest du pays.

En raison de son handicap, elle a besoin d'aide 24 heures sur 24. Plusieurs assistants l'accompagnent dans la vie de tous les jours. Ce qui représente aussi un risque supplémentaire de contamination.

"Si l'on admet un jeune père de famille en bonne santé qui doit être ventilé, alors je serai laissée de côté et je mourrai", dit Poser avant d’ajouter : "Nous serons les premiers à être triés".

Qui doit être secouru et qui ne peut pas l’être ?

L'Association interdisciplinaire allemande pour les soins intensifs et la médecine d'urgence (DIVI) a déjà élaboré des lignes directrices pour le triage, en mars 2020 lors de la première vague de la pandémie.

Mais ces propositions sont toujours en cours d’évaluation.

Image : Daniel Schäfer/picture-alliance/dpa

Dans les directives de la DIVI, on parle de "chance de succès" d'un traitement salvateur en tenant compte des pathologies préexistantes et autres limitations physiques qui réduiraient ces chances de succès.

"C'est une question extrêmement difficile", a déclaré Oliver Tolmein du cabinet d'avocats hambourgeois "Menschen und Rechte" ("Des humains et des droits"), qui représente la juge Poser et d’autres plaignants. Pour lui, "la question est sociale, pas purement médicale."

L'avocat Oliver Tolmein voit plusieurs droits fondamentaux violés dans les lignes directrices de la DIVI. Par exemple, celui de l'égalité qui signifie que personne ne doit être désavantagé en raison de son handicap.

Et c’est sur cette base juridique que Nancy Poser a décidé de porter plainte devant les tribunaux allemands.

>>>> Pour aller plus loin: 

Conséquences dramatiques de la Covid-19 pour les étudiants africains en Allemagne // À Munich, les brasseries innovent pour vaincre la crise

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