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"Un pacificateur qui sème le chaos ?"

13 décembre 2019

Retour sur les critiques à l'égard de la présence militaire française dans le Sahel et sur l'attribution du prix Nobel de la paix au Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed. Un choix qui fait toujours autant polémique.

Äthiopien Unterzeichnung eWTP Hub
Image : DW/Y. Gebrezihaber

Mardi, à Oslo, Abiy Ahmed a ajouté de l'eau au moulin de ses détracteurs en refusant d'assister aux conférences de presse qui suivent traditionnellement toute remise de prix. Une modestie tactique qui lui permet d'échapper aux questions sensibles sur son pays, estime la Süddeutsche Zeitung

Depuis son arrivée au pouvoir, début 2018, Abiy Ahmed a transformé l'Ethiopie : c'est devenu un pays plus libre mais aussi plus fragile. De nombreux groupes ethniques luttent de manière violente pour leur autonomie et des millions de personnes fuient le pays. Des sujets sur lesquels on entend peu le chef du gouvernement. Pour quelqu'un qui a introduit la liberté de presse dans son pays, c'est pour le moins étrange.

Même le jury du Nobel, en général très guindé, a qualifié le comportement du Premier ministre de "très problématique"Image : picture alliance/dpa/NTB scanpix/H. M. Larsen

Instabilité interne et externe

Abiy Ahmed est-il "un pacificateur qui sème le chaos ?" se demande la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Ses efforts de rapprochement avec l'Erythrée sont glorifiés partout dans le monde mais parallèlement il perd lentement le contrôle de son pays, de son million d'habitants et de sa centaine d'ethnies différentes. Environ 32 millions d'habitants sont en fuite - plus de la moitié d'entre eux ont quitté leur foyer après l'arrivée d'Abiy Ahmed au pouvoir. Et puis de plus en plus d'ethnies souhaitent se détacher du gouvernement central, encouragées par la politique de démocratisation d'Addis Abeba. Comme si cela ne suffisait pas, conclut le journal, l'instabilité menace aussi l'Ethiopie à ses frontières avec le Somalie et le Soudan du Sud qui sont en état de guerre civile depuis des années. Or, poursuit la FAZ, on murmure que le gouvernement éthiopien serait impliqué dans des activités illégales en Somalie. De quoi menacer le processus déjà fragile de stabilisation et de démocratisation dans ce pays.

Sentiment anti-français au Sahel

En principe, Emmanuel Macron aurait dû recevoir les cinq dirigeants du G5 Sahel le 16 décembre dans le sud de la France - finalement la rencontre a été reportée au mois de janvier à cause de l'attaque, mardi dernier, d'un camp de l'armée nigérienne, à la frontière avec le Mali. Le combat contre le terrorisme islamiste en Afrique de l'Ouest semble de plus en plus  voué à l'échec, écrit la Frankfurter Allgemeine. La région est menacée de devenir une région de non droit, selon une analyse de l'Institut des études de sécurité, ISS, citée par le journal.

La lutte contre les terroristes au Sahel, une cause perdue ? Image : Reuters/C. Petit Tesson

La Neue Zürchner Zeitung titre de son côté "Le Sahel se détourne de la France". Plus le combat contre les djihadistes s'éternise plus la colère monte vis-à-vis de Paris. Pour le journal, la résurgence actuelle du ressentiment contre la France ne signifie en rien une émancipation vis-à-vis de l'ancienne puissance coloniale, bien au contraire. Elle est le signe d'une classe politique africaine en grande partie marquée par la dépendance et le clientélisme. Un état de fait qui joue, aujourd'hui encore, un grand rôle psychologique dans les rapports avec la France et les blancs en général.

Abubacarr Tambadou, ministre gambien de la JusticeImage : DW/O. Wally

Derrière la plainte contre l'armée birmane 

Un mot encore sur le conflit qui oppose la Gambie à la Birmanie devant la CIJ, la Cour internationale de justice. A l'origine de cette procédure judiciaire il y a un homme, sur lequel se penche la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Abubaccar Tambadou est ministre gambien de la Justice - c'est lui qui a déposé plainte contre la Birmanie. Il accuse l'armée d'avoir agi avec une intention génocidaire lors des exactions contre les Rohingyas, une minorité musulmane. Des exactions qu'il a comparées avec celles commises pendant le génocide rwandais de 1994 - or, il connait bien le sujet, il a été procureur au Tribunal pénal international pour le Rwanda. Quelle que soit l'issue de la procédure, cet homme de 46 ans aura au moins réussi à éveiller l'intérêt de la justice pour les atrocités commises par l'armée birmane, se félicite le quotidien. Il aura aussi réussi à rappeler à la communauté