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Wagner, Blackwater… mode d’emploi des sociétés militaires

8 février 2022

La fin de la Guerre froide marque la naissance des sociétés militaires privées. Les SMP, acteurs de la privatisation de la guerre, sont controversées.

Le logo du groupe paramilitaire privé russe Wagner
Le logo du groupe paramilitaire privé russe WagnerImage : imageBROKER/Siegra Asmoel/imago images

Les sociétés militaires privées (SMP), ce n’est pas, ou plus seulement, le mercenariat. Nous sommes donc loin de l’image de ce soldat étranger qui débarque dans un pays en plein conflit et qui se charge des basses œuvres, moyennant rémunération.

Amandine Dusoulier a fait des recherches sur les SMP pour le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (Grip).

Elle explique que "Les militaires employés par des sociétés militaires privées sont liés par un contrat signé avec une entreprise ayant un statut juridique, alors que les mercenaires free lance sont directement engagés de manière individuelle par des gouvernements voire des groupes rebelles"

(Re)lire aussi → Blackwater : « massacre délibéré »

Activités diverses

Les compétences des SMP vont donc, selon le Grip, des opérations de combats de première ligne, aux fonctions de conseil et d’entrainement, en passant par la logistique, ou la maintenance et la collecte de renseignements pour les forces armées nationales. 

L’apparition des sociétés militaires privées remonte à la fin de la Guerre froide. Amandine Dusoulier ajoute sur la DW que "plusieurs pays occidentaux ont fait appel au secteur privé pour assurer, à leur place, certaines fonctions militaires dans les pays où leurs intérêts étaient jugés limités et le risque sécuritaire élevé".

Un contractuel de la SMP BlackwaterImage : AP

Ces interventions des SMP sont, pour certaines, assez controversées. En Irak, la société militaire privée américaine Blackwater a été impliquée dans des massacres et des actes de torture.

En 2007 par exemple, quatre agents de Blackwater ont tiré sur des civils iraquiens sans discernement. Quatorze civils dont des femmes et des enfants avaient été tués, dix-sept autres avaient été blessés, selon le Groupe de travail de l’Onu sur l’utilisation des mercenaires. Condamnés en 2015, le président américain Donald Trump a accordé, en décembre 2020, la grâce à ces quatre agents de Blackwater, provoquant l’indignation en Irak. En 2011, Blackwater devient Academi après avoir été vendue par son fondateur, Erik Prince, un ancien membre des forces spéciales américaines.

Selon Tranparency International Allemagne, les premières SMP ont été engagées en Afghanistan après les attentats du 11 septembre 2001. Pour l’ONG, les interventions récentes en Irak et en Afghanistan ont vu l’intervention de plus de 250.000 employés de sociétés militaires privées et de sociétés de sécurité privées.

"Les pertes subies par les employés des SMP n’entrainent pas un impact public aussi important que la mort de soldats" (Transparency International)

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En Syrie, la présence du groupe Wagner est rapportée aux côtés de l’armée russe. Ce que Moscou a démenti. Selon l’Académie de géopolitique de Paris, le Moyen-Orient est la région qui compte le plus grand nombre de SMP actives.

Opacité

Il reste cependant difficile de connaître le nombre réel de ces SMP dans le monde, certaines exerçant dans l’ombre, d’autres ayant été dissoutes.

Jade Andrzejewski est co-rédactrice du dossier sur les SMP et membre de la direction de l’OERI, l’Observatoire des étudiants des relations internationales. Elle note qu'"Il n’y a pas de cartographies des sociétés militaires privées, déjà parce qu’elles ont des activités très différentes, il y a un spectre large de l’engagement des sociétés militaires privées. Et également parce que c’est un secteur qui est en expansion à partir des années 1990 avec une multiplication des entités et qu’il n’y a pas de registres de référence de toutes ces sociétés bien qu’il y ait des think tanks et des ONG qui s’affairent à les identifier".

Des entreprises célèbres ou sulfureuses sont cependant citées telles que Wagner, ou Academi.

L’OERI évoque une SMP comme CACI, alors que le Grip revient aussi sur les entreprises françaises (Secopex), britanniques (Aegis Defence Services Ltd), américaines (Erickson Inc., Berry Aviation Inc., etc) et ukrainiennes (Omega Consulting Group).

A ces SMP s’ajoute la société G4S créée en 1901 au Danemark mais dont le siège est au Royaume-Uni. Elle emploierait plus de 632.000 personnes et aurait un chiffre d’affaires de 10 à 15 milliards de dollars américains, selon Transparency International Allemagne dans sa publication de 2016.

L’ONG cite aussi la SMP allemande Xeless Group qui aurait moins de 5.000 employés. Une autre société de sécurité privée allemande s’appelle Asgaard.

Deux anciens contractuels de cette entreprise, auparavant parachutistes de la Bundeswehr, ont été arrêtés en octobre dernier. Ils préparaient la mise sur pied d’un commando de mercenaires qu’ils voulaient envoyer au Yémen. 

Des agents de sécurité afghans inspectent des armes collectées dans le cadre du démantèlement de sociétés de sécurité privées à Kaboul, en AfghanistanImage : picture-alliance/dpa

De gros sous

Selon l’OERI, les Etats-Unis ont signé plus de trois mille contrats avec des SMP entre 1994 et 2004. En 2016, Transparency International Allemagne évaluait à plus de deux cents milliards de dollars la valeur totale de l’industrie de sécurité.

Outre le fait que les Etats pensent à la rationalisation de leur budget militaire, l’ONG fait savoir que les SMP travailleraient, en termes de coûts, de manière plus rentable que le soldat classique.

Il y a aussi le coût politique réduit avec une intervention des SMP. Transparency International Allemagne souligne que "les pertes subies par les employés des SMP n’entrainent pas un impact public aussi important que la mort de soldats".

Selon le Grip, les SMP sont "plus rentables, parfois mieux entrainées, plus flexibles, aisément mobilisables et occasionnellement plus neutres que les armées régulières". Le groupe indique que les SMP permettent le "déni plausible" et "l’absence de preuve" au bénéfice des Etats.

Pour les contractuels des SMP, il y a cette possibilité de retrouver le terrain après avoir quitté l’armée nationale de leur pays.

Des milliers de soldats colombiens quitteraient ainsi chaque année l’armée par manque de possibilité d’avancement dans la hiérarchie ou après leur exclusion pour mauvaise conduite ou encore à la fin de vingt années de services réglementaires.

Il y aussi le goût de l’aventure qui pourrait être une source de motivation pour les contractuels des SMP. Enfin, mais pas des moindres, les contractuels gagneraient mieux leur vie que les soldats.

Selon l’OERI, ils peuvent toucher jusqu’à mille dollars par jour. "Ce type de salaire attractif explique partiellement le fort taux de candidatures dans ces sociétés", note l’observatoire. Plus la guerre dure, plus cela arrange les contractuels qui peuvent alors gagner davantage d’argent.

Capture d'écran de la SMP ASGAARDImage : www.asgaard-gsg.de

Un « cadre réglementaire international contraignant »

En septembre dernier, le Groupe de travail des Nations unies sur l’utilisation des mercenaires a exprimé sa préoccupation au sujet de "la participation croissante des prestataires privés de services militaires et de sécurité à l’action humanitaire". Le groupe a préconisé un "cadre réglementaire international contraignant" sur les SMP notamment. 

Le Document de Montreux adopté en 2008 réaffirme les obligations existantes des Etats au sujet des activités des entreprises militaires et de sécurité privées (EMSP). Une cinquantaine d’Etats ont apporté leur soutien au document qui cependant ne renferme pas de dispositions contraignantes.

Le Groupe de travail des Nations unies insiste sur le fait que "lorsque les Etats sous-traitent leurs fonctions à des acteurs non étatiques, y compris à des sociétés militaires et de sécurités privées, ils sont alors responsables de la conduite de ces derniers".

Amnesty International Allemagne appelle, elle, à l’amélioration, par les Etats et les ONG internationales, de la transparence, de la redevabilité et de la surveillance. Elle préconise aussi le renoncement à l’externalisation des tâches régaliennes de l’Etat. 
 

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