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Histoire

Zoos humains : le racisme en spectacle

Sven Töniges | Sandrine Blanchard
27 janvier 2022

Jusqu'au 20ème siècle, les expositions coloniales ont présenté des êtres humains comme des objets exotiques. Une exposition à Bruxelles rend compte de ce pan horrifiant de l'histoire coloniale.

Un "village sénégalais" à l'exposition universelle de 1905 à Liège
Un "village sénégalais" à l'exposition universelle de 1905 à LiègeImage : priv. coll./Groupe de recherche Achac

Imaginez 267 femmes et hommes, dont la nudité est sommairement cachée par du tissu. Ces personnes se tiennent sous les toits en fausse paille de fausses cases dans une reconstitution de faux village congolais et sont exhibées aux regards ébahis de 40.000 visiteurs chaque jour… Voici le concept de l'Exposition coloniale proposée en 1897 à Tervuren, une banlieue de Bruxelles, sur ordre du roi des Belges de l'époque : Léopold II.

Leopold II, roi des Belges, s'était approprié personnellement le CongoImage : belga/dpa/picture alliance

"Zoo humain au temps des exhibitions coloniales", c'est le nom de l'exposition visible au Musée royal de l'Afrique Centrale de Tervuren, à l'endroit même où s'est tenue l'Exposition coloniale, il y a 125 ans.

L'Afrique, ce continent sauvage

A l'époque, les Européens sont en pleine folie coloniale. Et à l'entrée de l'Exposition d'alors, une plaque en laiton affirme sans rire que "la Belgique apporte la civilisation au Congo".

Pour les Belges restés au pays, l'Afrique est un continent lointain, sauvage. On en a peur mais il fascine. L'anthropologue Marteen Couttenier est l'un des trois curateurs de l'exposition de 2022.

"Dans ces expositions, les Congolais devaient danser", explique-t-il. "Ils étaient très peu habillés, revêtus de peaux de bête et devaient faire semblant de vivre dans des cavernes. On ne montrait jamais d'intellectuels ni d'artistes… mais même pas de personnes normales, en fait."

La réalité, on la connaît dans sa brutalité : d'innombrables Africains – au Congo comme dans les autres pays colonisés – ont fait les frais de la course aux matières premières, du travail forcé et autres violences commises au nom de la "civilisation" occidentale.

En Europe, les exhibitions de personnes présentées comme des sauvages venues du bout du monde deviennent une activité lucrative dans les foires, les cirques et même, en 1931, à la Fête de la bière de Munich ou à Paris, la même année. En 1897, sept Congolais meurent à l'Exposition coloniale de Tervuren.

(Ré)écouter → Reportage dans Vu d'Allemagne sur la réouverture du musée de Tervuren (2018)

Derrière la colonisation, l'idéologie raciste

La science européenne aussi est mise au service de l'idéologie raciste. En 1903 est publiée une typologie censée expliquer la hiérarchie "naturelle" entre les races humaines et confirmer la supériorité des blancs.

Justifier l'idéologie raciste par la science, une pratique répandue jusqu'au 20ème siècleImage : Priv. coll.

"Pour se définir soi-même, on regarde l'autre et on voit qu'il est différent. Et on pense qu'on est meilleur que lui", souligne l'anthropologue Marteen Couttenier, avant d'ajouter : "C'est une façon très primitive de penser mais ce n'est pas inné. Les enfants ne sont pas racistes. Cela vient avec l'éducation. Ce sont les adultes qui leur disent que l'autre est différent et donc inférieur."

L'exposition présentée au musée de Tervuren, 125 ans après l'Exposition coloniale, a une visée pédagogique pour déconstruire les mécanismes à l'œuvre dans le racisme, qui a toujours cours aujourd'hui. Elle est accompagnée de discussions et performances d'artistes et se tient jusqu'au 6 mars.